La signature aujourd’hui de l’entente de financement de l’Université de l’Ontario français (UOF), le 22 janvier, conclut un chapitre d’une saga de plusieurs années. Pour les autres institutions postsecondaires francophones ou bilingues de l’Ontario, c’est la promesse d’enfin rattraper le retard accumulé sur le système d’éducation provincial anglophone.
Du nord au sud de la province, les réactions sont surtout positives. «C’est une bonne nouvelle, on considère l’Université de l’Ontario français d’abord comme un partenaire. […] Et dans tous les cas, c’est une augmentation de l’offre de services dans une région où il y a spécialement une carence», convient le recteur de l’Université de Hearst, Luc Bussières.
Il rappelle du même coup que l’UOF est «une revendication qui remonte déjà à plusieurs décennies pour les Franco-Ontariens», et que cette bonne nouvelle est particulièrement appropriée après la période d’incertitude vécue en 2019.
L’aboutissement d’aspirations «normales»
Même son de cloche du côté du collège universitaire Glendon, campus de l’Université York. L’établissement est celui qui sera situé le plus près du futur campus de l’UOF à Toronto.
«Des institutions et des universités uniquement francophones, il y en a partout à travers le pays. Saint-Boniface au Manitoba, Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse, Moncton au Nouveau-Brunswick; je pense que les aspirations de la communauté franco-ontarienne étaient tout à fait normales, et nous les voyons aboutir avec l’UOF», constate le directeur par intérim, Ian Roberge.
«Cela dit, l’UOF s’ajoute à des institutions existantes et à une offre de programmes existante. Les ressources sont quand même limitées à travers le réseau et il sera important de s’assurer d’être complémentaires afin d’encourager le développement de chacun selon leur créneau et leur place dans le système», nuance-t-il.
À cet effet, l’Université de l’Ontario français proposera quatre programmes en français qui ne sont pas offerts actuellement dans cette langue dans la province : cultures numériques, pluralité humaine, économie mondialisée et environnements urbains. Les programmes sont toujours en attente d’approbation par le gouvernement provincial.
Un travail de collaboration
La vice-présidente à l’enseignement du Collège Boréal, Lyne Michaud, confie avoir sabré le champagne lorsque l’entente de financement a été signée. «C’est une excellente nouvelle! Pour les étudiants et pour la communauté franco-ontarienne qui auront enfin accès à de la formation en français à Toronto et dans le Centre-Sud-Ouest, une communauté défavorisée [au niveau de l’éducation postsecondaire en français]», convient Mme Michaud.
Le Collège Boréal a lui-même un projet de mettre sur pied un nouveau campus à Toronto, qui devait voir le jour à l’automne 2021, mais devra finalement attendre en 2023. La ratification de l’entente de financement de l’UOF «ne change rien à ce projet-là», assure la vice-présidente à l’enseignement.
L’établissement, à l’instar des trois autres contactés, assure s’engager dans une optique de partenariat avec la nouvelle université. Le Collège Boréal et La Cité doivent chacun conclure des ententes d’arrimage (la reconnaissance des crédits) entre un programme de niveau collégial et un programme universitaire offert à l’UOF.
La compétition, source d’innovation
Finalement, l’Université de Sudbury affirme être au début des conversations avec l’UOF pour établir si d’éventuels partenariats seraient possibles. «C’est une institution qui aura besoin de partenaires à travers la province. On veut voir si on pourrait collaborer pour offrir des services aux étudiants dans le Nord de l’Ontario», signifie le recteur, John Meehan.
Il souligne aussi que chaque région présente un contexte différent et que «chaque institution a ses forces à ajouter pour offrir aux étudiants francophones les opportunités les plus diversifiées possible. Les étudiants en ressortent gagnants», estime M. Meehan.
Une conclusion qui résonne chez chacun des intervenants, dont plusieurs soulignent le grand manque à gagner au niveau de la programmation en français à travers le Sud-Ouest ontarien. «En d’autres mots, nous partons de très loin […] À mes yeux, l’UOF sera un joueur important, mais ne possède pas et ne devra pas posséder un monopole en la matière», martèle Ian Roberge, du campus universitaire Glendon.
«Il ne faut pas se le cacher, les universités sont en compétition l’une avec l’autre. C’est une réalité du côté anglophone aussi, ce qui ne veut pas dire que cette compétition ne peut pas être saine. Ça peut servir à nous démarquer, être un moteur d’innovation. Dans un modèle compétitif, nous avons tous intérêt à augmenter notre offre, mais surtout la qualité de notre offre», suggère-t-il encore.
L’UOF prévoit accueillir quelque 200 premiers étudiants à l’automne 2021 et espère en avoir près de 2000 d’ici dix ans. «Une bonne nouvelle pour la communauté franco-ontarienne», s’entendent pour dire les quatre établissements.