Les entreprises, les médias et les réseaux sociaux sont de plus en plus critiqués pour les standards de beautés féminines irréalistes qu’ils diffusent. En contrepartie, on encourage les femmes à se trouver belles comme elles sont. Entre les deux, est-ce que les concours que l’on appelle — de moins en moins — des pageants ont encore leur raison d’être? Les principales intéressées nous disent oui, mais il faut avant tout savoir qu’il en existe divers types et qu’ils sont en transformation.
La présence de Franco-Ontariennes dans ces concours n’est pas nouvelle — même Céleste Lévis y a déjà participé —, mais avec le couronnement de deux francophones en 2019 — Valérie Demers de Timmins comme Miss North Ontario et Chloé Arsenault de Sudbury comme Miss Teen Galaxy — Le Voyageur s’est intéressé à la pertinence de ces concours.
Toutes les participantes présentes et passées que nous avons interviewées nous disent la même chose : avant de s’y présenter, elles étaient timides, manquaient de confiance et avaient une image plus ou moins négative d’elle-même. Elles gardent toutes de leur.s participation.s une plus grande confiance en elle, la capacité de parler devant public et beaucoup d’amies faites pendant les ateliers de formation et la compétition.
«Quand les gens entendent le mot pageants, ils pensent immédiatement à la beauté ou à la façon de bouger. Pour moi, ça m’a donné une différente vision. C’est à propos de la beauté intérieure et il y a beaucoup plus d’inclus que la beauté extérieure», propose Valérie Demers.

Type 1 : la personnalité avant tout
Les préjugés et préconceptions des non-initiés envers ce genre de gala — par exemple ce n’est qu’un concours de beauté — sont loin de s’appliquer à tous les concours. Miss North Ontario, créé en 2006, a un tout autre objectif.
Aucun point de cette compétition n’est accordé à l’apparence et il n’y a pas de défilé de maillots de bain. Ce qui est évalué, c’est plutôt l’engagement communautaire, l’entrevue avec les juges et la prise de parole en public. Il y a même un test académique écrit concernant la région et l’actualité.
La vice-présidente de Miss North Ontario, Natalie Carrière, est une francophone d’Iroquois Falls résidant maintenant à Timmins. Mesurant déjà 6 pieds 1 pouce à l’âge de 13 ans, elle ne croyait pas qu’elle aurait une chance dans ce genre de compétition. Elle a remporté le concours en 2011. «Si je ne l’avais pas fait, je serais encore très gênée, je ne penserais pas que je suis belle… Ça te donne beaucoup de confiance.» Des compétences qui l’aident encore dans sa carrière aujourd’hui.

Valérie Demers a constaté qu’il est important pour l’organisation d’enseigner «comment s’aimer soi-même avant de donner à d’autres». «Quand je suis sortie de cette fin de semaine, mes [pensées] n’étaient plus pareilles. Je voulais vraiment faire plus pour ma communauté, j’avais vraiment confiance en moi-même, je n’avais pas peur d’approcher les gens et d’exprimer mon opinion, j’avais une perception différente de moi-même.»
Une fois couronnée, l’engagement communautaire doit continuer et c’est justement ce que fait Andréane Blais, de Mattice, qui a participé plusieurs fois à Miss North Ontario depuis 2013 — et à d’autres concours — et qui a créé le Programme d’épanouissement personnel du Nord-Est de l’Ontario (plus de détail en page 11).
Mme Blais est à Montréal pour le concours Miss Canada 2020 au moment où ce texte est publié. En 2007, cette compétition a aussi retiré la majeure partie des points pour l’apparence pour se concentrer sur «l’attitude et la personnalité». Plus de points sont accordés à l’attitude et l’esprit de camaraderie pendant les activités préparatoires que de points pendant le gala final. Il y a tout de même une présentation de robe de soirée, mais le site indique que les juges évaluent «la sobriété et le sens du style de la candidate».
«Une chose que j’aime beaucoup de Miss Canada, c’est que c’est un concours national, mais il n’y a pas de costume de bain, explique Mme Blais. C’est quelque chose que je ne me sens pas encore confortable de faire, alors j’étais vraiment contente de voir qu’il y en avait un au niveau national qui n’avait pas ce champ de compétition.»
D’autres concours commencent à exclure les maillots. C’est le cas de Miss America depuis 2019.
Les objectifs de Miss North Ontario
Valérie Demers et Andréane Blais disent toutes deux ne jamais avoir eu l’impression d’être jugées pour leur apparence à Miss North Ontario. «Quatre-vingt-dix pour cent du travail est fait avant. Quand tu arrives là pour la fin de semaine, tu t’amuses», précise Andréane.
La vice-présidente Natalie Carriere insiste justement sur l’aspect croissance et acceptation que met de l’avant le concours. «On cherche une fille qui est simplement elle-même.»
Les seuls points qui pourraient être associés à l’apparence concernent la partie en robe de soirée. «On ne regarde pas à combien d’argent elle a pu dépenser sur ça, on regarde l’impression générale», explique Mme Carriere, ce qu’elle associe plus à la présence sur scène et la confiance que la participante dégage.
Encourager le tourisme dans la région est également important pour l’organisation, alors chaque participante doit présenter sa communauté, ce qui compte dans le pointage final.
Pour les sceptiques, Mme Carriere les invite tout simplement à venir assister au gala. «Viens nous rencontrer, viens nous regarder et vous allez voir que c’est plus que ça. Tout le monde est beau à sa façon et c’est le message qu’on veut donner.»
Type 2 : l’apparence… de plus en plus sans archétype
Denise Garrido détient présentement le titre de Mrs Galaxy Canada 2020. La femme qui a grandi à Bradford au Nord de Toronto a en fait commencé son parcours à Miss North Ontario en 2007, pendant qu’elle étudiait en Biologie biomédicale à l’Université Laurentienne. Elle et Natalie Carriere sont parmi les Canadiennes qui ont remporté le plus de titres nationaux et mondiaux.
La compétition Galaxy diffère largement de Miss North Ontario sur ce qui est évalué. La liste inclut les termes photogénique, maillot de bain (sauf pour les catégories des plus jeunes), tenue mode et tenue de soirée. L’entrevue reste cependant la partie qui compte pour le plus de points. Par contre, et contrairement à plusieurs autres compétitions, les femmes âgées de plus de 28 ans et les femmes mariées qui ont des enfants sont acceptées dans leurs propres catégories. Mme Garrido est mariée et maman depuis avril 2019.
«Ce que je trouve intéressant de Galaxy, c’est qu’ils ne cherchent pas nécessairement le corps parfait de Barbie. C’est surtout une célébration des femmes de toutes tailles et de toutes formes», propose Mme Garrido, qui mentionne qu’une femme taille plus a déjà eu le même titre qu’elle.
Ici aussi, l’engagement communautaire compte pour beaucoup, surtout à l’approche de la compétition internationale qui aura lieu à Chicago cet été. Par exemple, lorsque Le Voyageur a rencontré Miss Teen Galaxy, Chloé Arsenault, en octobre 2019, elle a seulement parlé de son engagement communautaire et de sa passion pour les métiers non traditionnels, pas de sa robe ou de son apparence.

Dans son cas, les compétitions qui incluent un défilé en maillot de bain sont en fait un motivateur pour améliorer sa santé physique et son alimentation, mais sans exagération. Ça ne veut pas dire que ça lui vient naturellement. «J’avoue que [d’être sur une scène en maillot de bain] pour la première fois n’est pas ce qu’il y a de plus confortable. Alors c’est aussi une question de s’y habituer. J’ai trouvé qu’en le faisant, j’ai pu sortir de ma coquille un peu plus. Comme plusieurs choses dans la vie; ça fait peur au début, mais, une fois que tu l’as fait, tu te sens plus forte.»
Elle croit surtout qu’avec plus de femmes de toutes les tailles qui choisissent de le faire, l’exercice permet à encore plus de femmes de prendre la place qui leur revient. «Je crois que parce que l’image des femmes est plus critiquée qu’avant, on a encore plus besoin de ce genre de concours afin de donner la chance à plus de femmes de dire : “Non, nous ne nous cacherons pas parce que vous voulez nous critiquer. Nous allons nous démarquer et être fières de nous-mêmes, nous n’avons pas à avoir honte”.»
Tous en évolution
Lorsque Natalie Carriere a commencé son parcours, les médias sociaux n’étaient pas encore très présents. Elle perçoit que ceux-ci créent effectivement une pression encore plus grande sur les jeunes participantes : «C’est tout le temps dans ta face, alors je trouve que c’est dur pour les filles de trouver leur confiance».
En même temps, sur les mêmes médias sociaux dit-elle, d’autres montrent l’envers de la caméra et la préparation pour en arriver au résultat souhaité. Ceci démontre, d’une certaine façon, que d’être belle est accessible à toutes, qu’il suffit d’y mettre un peu de soi.
Le mot «pageant» vient aussi avec son lot de préjugés et plusieurs concours, dont Miss America, préfèrent maintenant s’en tenir loin. Andréane Blais a dû plus d’une fois expliquer qu’elle ne participait pas à des «pageants» : «Venant de la petite communauté de Hearst et des alentours, ça a été très difficile de promouvoir la participation et d’avoir des gens qui me soutiennent là-dedans. Bien sûr qu’il y a des concours qui sont sur la beauté physique, mais il y en a aussi qui ne le sont pas». Donc avant de juger, elle suggère de s’informer sur la compétition.
Denise Garrido souligne qu’il y a un changement qui s’opère au niveau mondial, que la diversité est de plus en plus acceptée. Un mouvement que Galaxy Pageants embrasse depuis longtemps, croit-elle. «Quand on me montre un vêtement, je veux être capable d’imaginer comment il paraitra sur moi, pas sur un bonhomme allumette.»
«Il y a des pageants pour tout le monde, avance Natalie Carriere. Il y en a pour les filles qui veulent aller au gymnase et travailler fort, et c’est correct. Mais il y en a qui veulent plus montrer le côté [académique] et communautaire […] et que c’est aussi ça qui te rend belle.»