le Vendredi 24 mars 2023
le Lundi 9 mars 2020 18:33 Courrier des lecteurs

Montfort n’est pas Oka

 Nous parlons d’accès aux services en français. Ils parlent d’accès à de l’eau potable.

Dans le numéro du 26 février 2020 du journal Le Voyageur, on peut trouver une caricature avec deux hommes qui manifestent pour l’égalité des francos. La caricature fait référence aux blocages des voies ferrées en solidarité avec la Première nation Wet’suwet’en et l’un des personnages dit «J’espère qu’il ne faudra pas le faire à notre tour!» L’objectif de la caricature n’est pas clair. Au meilleur, on peut y voir une certaine empathie envers la cause des manifestants, exprimée toute croche. Au pire, c’est une manifestation d’un discours identitaire nombriliste franco-ontarien. Nous parlons d’accès aux services en français. Ils parlent d’accès à de l’eau potable. C’est une méchante différence. Mais elle n’est pas insurmontable.

Bien sûr, ce n’est pas pour dire que la cause franco-ontarienne n’est pas valide. La communauté francophone s’est longtemps battue pour ses droits linguistiques et son désir de se défendre face à un gouvernement hostile, surtout en ce moment en Ontario, est entièrement juste. Mais pourquoi ne peut-on pas aborder la lutte actuelle des nations autochtones avec un véritable discours qui nous oblige à comprendre les enjeux actuels que vivent les Premiers peuples depuis près de 500 ans? Pourquoi faut-il se centrer dans cet enjeu comme si nous étions autant victimes qu’eux? Surtout dans ce contexte où, il est toujours important de le souligner, nous ne sommes pas frères et sœurs dans l’oppression. Plutôt, en tant que colonisateurs, nous partageons une part du blâme de la situation actuelle des nations autochtones.

Compte tenu les luttes communes pour la survivance de la langue et de la culture, on aurait pu penser qu’une certaine solidarité entre francophones et Autochtones aurait pu exister. Les francophones auraient pu choisir de devenir alliés des nations autochtones et de les soutenir dans leurs revendications pour une reconnaissance de leur souveraineté sur leur territoire. Mais plutôt, nous nous nourrissons toujours du mythe des voyageurs, de notre ouverture d’esprit et de notre bienveillance, au contraire des gros méchants Anglais. Les institutions francophones historiques et actuelles ont opté de s’allier aux pouvoirs colonisateurs et ont appuyé l’établissement des pensionnats et la mise en œuvre de la Loi sur les Indiens. Nous bénéficions de fortes institutions légales, juridiques et culturelles, sans oublier la haute position dans l’ordre social que nous détenons en tant que «peuple fondateur». À chaque fois que nous utilisons ces institutions et ces privilèges pour se victimiser sur la place publique, nous nous moquons des questions de vie et de mort qui sont celles auxquelles les Premiers peuples doivent s’affronter, et ce, sur le plan quotidien. Alors que les francophones pourraient être alliés des nations autochtones, nous refusons même de dialoguer avec elles, d’écouter ce qu’elles ont à dire et de vraiment nous regarder dans le miroir. Notre refus collectif de voir ce qu’il se passe juste devant notre face est la raison qu’ils ont bloqué des voies ferrées; les conditions sociales auxquelles nous contribuons ne laissent plus que l’action directe et concrète comme façon de nous obliger à les écouter.

Avant même de parler de réconciliation, nous devons parler de vérité. Nous devons, collectivement, comprendre ce que nos ancêtres ont fait et comment ces actions continuent non seulement à opprimer les peuples autochtones, mais comment nous en bénéficions. Un réel règlement de comptes ne sera pas facile et on ne peut pas prendre pour acquis que la vie sociale et politique au Canada continuera son chemin comme si de rien n’était. Nous devrions tous souhaiter pour une société plus juste et équitable pour tous.

Alex Tétrault et Monique Beaudoin, Sudbury