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le Jeudi 16 avril 2020 17:57 Économie et finances

Agri-virus : L’agriculture dans le Nord et la COVID-19

  Photo : Shutterstock
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Du positifs, du négatif et des inconnus.

La Northern Ontario Farmers Innovation Alliance (NOFIA) a récemment tenu une téléconférence pour faire un état des lieux de l’agriculture dans le Nord ontarien. Nul besoin de préciser que le coronavirus était omniprésent.

Pour les grandes cultures, tout se déroule comme à l’habitude et les livraisons se font selon un nouveau protocole de distanciation sociale. Il n’y a pas de pénurie de semences ou d’intrants; les coopératives avaient stocké bien avant la crise. Pour les autres fermiers, la livraison de semences n’accuse aucun retard. 

Par contre, le producteur de Matheson, Jason Desrochers, s’inquiète : «Est-ce que je vais pouvoir acheter des pièces pour l’équipement de ferme?» Certains se rendent même dans le Sud pour s’en procurer.

Plusieurs inquiétudes

Pour le travail sur la ferme, la distanciation sociale n’est pas un problème : tous sont très conscients des dangers et des mesures à prendre. En plus du lavage fréquent des mains, certains affectent un tracteur exclusivement à une personne.

Mais l’inquiétude demeure vive. David Thomson d’Algoma a livré un vibrant témoignage sur la frousse qu’il a eue lorsqu’il a appris que l’ami de son fils adolescent était atteint du virus. Il a aussi pris la pleine mesure du danger en apprenant que des jeunes avaient été infectés lors d’une fête organisée dans la région. Heureusement, sa fille et son copain n’y sont pas allés.

Les inquiétudes découlent aussi du fait qu’il n’y ait pas de plan d’urgence au cas où la frontière avec les États-Unis serait complètement fermée. Barry Potter, du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario (MAAARO), reconnait que cette question n’est pas réglée, mais affirme que le ministère réfléchit à ce qu’il devra faire dans un tel scénario.

Sur une autre note, M. Potter ajoute que les inscriptions à la formation pour devenir fermier sont à la hausse.

Une autre préoccupation soulevée lors de la téléconférence porte sur la reconnaissance des divers maillons de la chaine d’approvisionnement comme besoins essentiels. L’agriculture a été reconnue comme telle, mais les fermiers craignent de ne pas pouvoir obtenir tout ce dont ils ont besoin pour les étapes précédant la récolte ou même pour les étapes subséquentes, comme la transformation des denrées.

De bonnes nouvelles

Une autre complication à laquelle sont confrontés les fermiers est l’arrivée retardée des travailleurs étrangers. Le processus est rigide, car il s’agit de protéger les Canadiens. «On se fait dire : “oui, ils s’en viennent”. Mais ceux qui devaient les accueillir en mars n’ont pas pu le faire encore», déplore Mitch Deschatelets de Leisure Farms à Sturgeon Falls.

«C’est inquiétant et ça rend ça difficile de planifier : tout change vite! Puis le printemps est plus tôt que la normale. Pour certaines choses, si tu ne plantes pas à temps, c’est fini.»

Photo : Courtoisie Mitch Deschatelets

Parmi les bonnes nouvelles, la production de sirop d’érable va bon train et la récolte s’annonce fructueuse. Aussi, le virus semble avoir stimulé un intérêt grandissant pour l’achat local et le commerce électronique. À Thunder Bay, le propriétaire d’un poulailler a reçu une commande de 125 douzaines d’œufs de l’épicerie en ligne de sa région.

Ailleurs, des fermiers qui vendent leur viande en ligne prévoient être en rupture de stock. Les brasseurs de bières locales craignent ne pas suffire à la demande. L’engouement semble général : «Je n’ai jamais été si occupé, j’ai des commandes pour un mois à venir», dit Gilles Simon, propriétaire d’un abattoir à Warren.

Support des associations d’agriculture

Stephanie Vanthof, de la Fédération d’agriculture de l’Ontario (FAO) (en anglais seulement), a annoncé que les fermiers peuvent maintenant imprimer une lettre attestant qu’ils sont fermiers. Le document leur permettra d’aller cultiver leurs champs au Québec malgré la fermeture de la frontière.

L’Union des cultivateurs franco-ontariens (UCFO) a également traduit en français le Guide pour l’exploitation de votre entreprise agricole essentielle pendant COVID-19 de la FAO.

Pour Mitch Deschatelets, il pourrait y avoir du bon à ce temps de crise : «J’espère que les gens vont se servir de cette crise comme temps de réflexion et que cela va renforcer l’importance de l’achat local. Que cela aura servi à créer une plus grande appréciation et un meilleur lien avec le fermier. On va être un pays plus fort si on fait ce qu’il faut faire pour produire plus.»