le Vendredi 24 mars 2023
le Mercredi 15 juillet 2020 2:47 Chroniques et blogues

Comme un gout de train qui déraille

Franc plaidoyer pour une langue plus inclusive par des amoureux.ses de la langue.

Pour écrire ce texte, j’ai dû me faire violence…

You’re welcome.

Je me suis tapé toute la «littérature» anti-trans que j’ai pu trouver so you don’t have to.

Encore une fois; you’re welcome.

Je voulais savoir pourquoi il y a une si grande résistance de masse face à l’écriture inclusive, épicène et non genrée.

Je suis donc allé lire tout ce que j’ai pu trouver s’opposant au changement de la langue pour le bien des personnes trans/non binaires et intersexes.

Laissez-moi vous dire… it’s beaucoup.

Je m’en suis tenu aux principaux et vous devrez m’excuser, mais (mal)heureusement, la grande majorité d’entre elleux sont de la province du Québec.

Et laissez-moi dire… j’ai mal à mon Québec.

Selon beaucoup de ces haters, on est un minuscule groupe social avec énormément de pouvoir.

Pour paraphraser Denise Bombardier; on fait rouler le train gouvernemental, mais le train est vide parce qu’on est si peu.1

Je ne nous savais pas si puissants.

Ce train roule sur la prémisse que le «lobby LGBTQ+» agresse la langue en essayant violement de s’y insérer et, ainsi, menace sa survie même par ses termes «farfelus» (iel, celleux, froeur, tancle, autaire, toustes, etc.)2

Ces personnes d’influence propagent l’idée que grâce à notre statut de groupe marginalisé, nous sommes en fait très puissant.e.s et représentont la plus grande des menaces pour la préservation et la pérennité de la langue.

Encore une fois, je ne nous connaissais pas une telle soif de pouvoir linguistique.

Mais, à moins que je ne me trompe, des personnes trans francophones, il y en a…

Veulent-iels détruire à ce point leur propre culture? Désirent-iels leur propre annihilation?

En tant que personne transmasculine non binaire, ma réponse personnelle est… Non.

Tout ce qu’on veut, c’est exister dans notre propre culture. C’est tu trop demander?

Mais, pour exister en français, il faut ajouter des termes et l’adapter, parce que du vocabulaire non binaire, il n’y en a pas. Ou en tout cas, pas encore et pas assez.

De là le conflit.

Mettons la discrimination et la transphobie de côté une seconde et posons-nous la question d’un point de vue uniquement linguistique. Nous ne demandons pas de passer la hache dans la langue française comme certains aiment le croire. Nous ne demandons pas de «changer» ou «d’enlever» à la langue. Nous demandons «d’ajouter».

Si je rajoute de la crème glacée, est-ce que ça enlève quelque chose à la tarte? Non! Au contraire, mon dessert risque d’être meilleur. (Je sais, mon analogie est simple mais, oh combien, délicieuse!)

Telle la crème glacée, plusieurs langues ont un vocabulaire de plus en plus riche quand on en vient à l’inclusion des personnes de genre non conforme. Donc… pourquoi est-ce que les francophones d’Amériques résistent à ce point à l’idée d’inclure tout le monde?

La peur.

Et c’est cette même peur qui risque peut-être un jour d’amener le français d’Amérique à l’extinction.

Suivez-moi ici, j’vous expliques…

La peur face à la menace de la disparition de la langue est bien réelle.

C’est la raison d’être pour l’Office québécoise de la langue française ou de la loi 101.

Pour mes ami.e.s ontarien.ne.s, on peut penser, par exemple, au Règlement 17 qui a tenté d’effacer le français de la toile sociale.

Ça, ça je comprends.

Toustes les francophones que je connais ressentent une fierté et un amour face à leur langue maternelle.

Mais savez-vous quoi? Les personnes trans aussi.

On l’aime notre langue.

Ça rend ça encore plus triste et déchirant quand elle refuse de nous laisser jouer dans son équipe.

La langue, comme tout le reste, est d’abord sociale.

Et toute société est changeante et s’adapte à l’environnement et à la diversité de ceux qui la constitue.

Par exemple, avec l’avancement technologique, on peut penser au mot «courriel», ou encore, au retour à la féminisation de métier avec des termes comme «autrice». Ces termes «nouveaux» (le mot autrice existait déjà, mais avait volontairement été effacé) n’enlèvent rien aux termes qui existent déjà. Le mot «courriel» vient pallier au manque de mot pour l’angais «email». C’est comme ça que la langue s’adapte. L’autre option aurait été de ne pas trouver de nouveau terme et simplement utiliser le mot en anglais.

 

Donc, deux choix s’offrent, la langue s’adapte, ou ses locuteurs.trices non représenté.e.s se tournent vers des langues où iels le sont (i.e. l’anglais).

Si nous nous dirigeons (et je l’espère) vers une société plus inclusive, plus diversifiée et plus tolérante, la langue devra pouvoir refléter toutes ces «nouvelles» réalités3.

Nous sommes à un moment important face à l’usage du français en Amérique. Et la victoire d’un camp pourrait être la perte de l’autre.

Pis pour le bien de la langue et des personnes trans non binaires et intersexes, j’espère vraiment que c’est nous qui gagnons.

Lionel Lehouillier

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1 Entrevue de Richard Martineau sur QUB radio, Denise Bombardier : Le train fou du lobby LGBTQ+, 19 novembre 2019

2 Sur une note plus positive, je tiens tout de même à mentionner que pour chaque article discriminatoire, j’ai trouvé des articles-réponses qui venaient à la défense des gens de genre non conforme. L’opinion est nuancée et n’est donc pas partagée par toustes. Hourra!

3 Comme pour l’Amérique qui n’était pas nouvelle il y a 400 ans, ces réalités ne le sont pas non plus, c’est juste que celleux en charge viennent de les découvrir.