L’Île-aux-chênes, dans le lac Nipissing près de Lavigne, est surtout connue par les francophones pour avoir accueilli les camps d’été du Centre des jeunes, l’ancêtre du Carrefour francophone, jusque dans les années 1980. Avant cela, Eugène St-Jean raconte que son père s’en servait comme pâturage pour ses moutons de 1935 à 1953. Sheep Island est d’ailleurs un des noms utilisés dans le passé pour cette ile.
Philip St-Jean, le fils d’Eugène, partage l’histoire que son père lui a racontée.
Le père d’Eugène, Albert St-Jean, louait l’ile au gouvernement ontarien pour 10 $ par année. Il aurait pu l’acheter pour 0,50 $ l’acre, note Philip St-Jean. Il y laissait ses moutons tout l’été, car l’ile présentait deux gros avantages : pas besoin de clôture et pas de prédateurs. Les animaux pouvaient manger sans s’inquiéter et boire l’eau du lac.
Le plus grand défi était de faire traverser sa centaine de moutons au printemps. Eugène se souvient, quand il avait 6 ans, que son père et son frère ainé, Léonide, ont construit un «scow», ou bateau plat sans voile ni moteur, de 20 pieds par 30 pieds. Ils l’ont construit «dans le creek à Rainville», au bout de la terre de Marjoric Brouillette, car le ruisseau donnait accès au lac Nipissing. La construction a duré deux semaines.
La traversée, faite avec l’aide d’un petit moteur de 2 chevaux-vapeur emprunté à un ami, durait une heure et demie.

Albert St-Jean laissait ses moutons sur l’ile tout l’été. Il y retournait environ une fois par mois pour donner du sel aux moutons «pour les garder apprivoiser de façon à ce qu’ils soient moins difficiles à rembarquer à l’automne», explique Eugène St-Jean.
À l’automne, il remettait les moutons sur le «scow», les tondait pour vendre la laine et vendait les moutons. Souvent, c’était une famille juive de la région de Toronto qui les achetait et qui venait les chercher avec de gros camions. Albert St-Jean pouvait empocher 3,50 $ par moutons.
Au fil des années, le radeau flottait de moins en moins bien. Eugène et deux de ses frères, Floriant et Donat, avaient la responsabilité de rejeter l’eau qui s’infiltrait avec des sceaux lors du trajet du retour à l’automne. Par contre, après une heure et demie de cet exercice, ils n’en pouvaient plus et ont décidé d’attendre d’avoir accosté pour terminer.
Mauvaise décision. Le radeau a coulé à 200 pieds de la rive. Tous les moutons ont pu rejoindre la terre ferme, malgré le poids de leur laine imbibée d’eau. La perte du radeau a marqué la fin des moutons sur l’Île-aux-chênes.