le Mercredi 29 mars 2023
le Mercredi 30 septembre 2020 14:31 Éditorial

La nouvelle en danger

La vérité est présentement salement malmenée

Ce lundi 28 septembre 2020, quelque 150 médias de par le monde, dont une douzaine au Canada, marquaient la Journée internationale de la nouvelle (World News Day). Cette manifestation est organisée depuis 2018 par les médias en appui à la Journée internationale de la liberté de presse — le 3 mai — proclamée par les Nations-Unies en 1993. Vous pensez peut-être que deux journées pour réfléchir sur le rôle des nouvelles dans le monde c’est un peu beaucoup. Détrompez-vous, le monde en a bien besoin.

Dans sa forme la plus pure et la plus altruiste, le rôle de la nouvelle a toujours été de rechercher la vérité afin d’informer la population. Quel que soit le domaine — politique, économie, environnement, faits divers —, la nouvelle se doit de comprendre les enjeux et de les expliquer clairement. Contrairement à l’éditorial ou à la chronique, la nouvelle n’a pas d’opinion.

Dans sa recherche de faits, la nouvelle ne craint pas de crier la vérité à la face du pouvoir (Speaking Truth to Power). C’est souvent ce qui en fait la cible des dictateurs et autres mégalomanes. De 50 à 100 journalistes sont tués chaque année dans le monde, 554 au cours des derniers 10 ans. Et ces chiffres ne comprennent pas les emprisonnements et autres sévices dont les journalistes sont victimes dans plusieurs pays.

En Europe et en Amérique du Nord, le travail des journalistes est moins dangereux, mais il le devient de plus en plus. De nombreux journalistes ont récemment été ciblés par les forces de l’ordre lors de manifestations dans des villes américaines. Peut-on s’en émouvoir quand un président américain ment à tour de bras, fait la promotion de toutes sortes de fumisteries et de théories du complot et traite de «fake news» le travail de journalistes sérieux? En fait, c’est la vérité qui est salement malmenée.

Il y a toujours eu des fausses nouvelles. Souvenons-nous de la Pravda de l’ex-Union soviétique ou lisons le China Daily du parti communiste chinois. Ces organes d’état mentent régulièrement pour soutenir l’idéologie de ceux qui sont au pouvoir. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, ce sont le pouvoir et l’argent qui animent la fausseté et qui rabaissent le quotient-vérité du monde entier.

Les citoyens ne croient plus les experts, les politiciens, les scientifiques. Sans égard aux faits, ils prennent leurs opinions pour la vérité et trouvent des communautés sur les réseaux sociaux qui renforcent leurs croyances. De quelle autre façon peut-on expliquer que certains adhèrent à la ridicule théorie QAnon, selon laquelle les démocrates américaines font partie d’une cabale pédosatanique que seul Donald Trump peut combattre? Plus idiot que ça, tu meurs.

C’est dans ce contexte que les journalistes sérieux doivent travailler. Ils sont obligés de compter les mensonges de Trump comme le fait régulièrement le journaliste canadien Daniel Dale. Ils doivent créer des sites web de vérification des faits comme Snopes, Vera Files et des centaines d’autres regroupés sous la bannière de l’International Fact-Checking Network (IFCN). Et ils doivent se protéger de la violence.

Voilà pourquoi deux journées nous rappelant l’importance de la vraie nouvelle ne sont pas de trop.