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le Lundi 26 octobre 2020 15:27 Politique

Le racisme, «historiquement inscrit dans nos institutions»

Même si le sujet est de plus en plus abordé, notamment grâce à des mouvements comme Black Lives Matter, plusieurs constatent que le racisme est toujours présent à différents niveaux dans la société. — Crédit : Gabrielle Beaupré
Même si le sujet est de plus en plus abordé, notamment grâce à des mouvements comme Black Lives Matter, plusieurs constatent que le racisme est toujours présent à différents niveaux dans la société.
Crédit : Gabrielle Beaupré
La mort de George Floyd aurait donné envie à plusieurs Blancs de s’instruire sur la réalité du racisme systémique

Comme le démontre le débat* qui fait rage depuis quelques jours, la question du racisme est toujours sensible en Ontario. Même si le sujet est de plus en plus abordé, notamment grâce à des mouvements comme Black Lives Matter, plusieurs constatent que le racisme est toujours présent à différents niveaux dans la société, et pas toujours de façon évidente.

«Nous vivons dans une société raciste où les Blancs détiennent la majorité du pouvoir et se sentent [notamment] en droit de rabaisser les autres», souligne la professeure de criminologie à l’Université d’Ottawa, Baljit Nagra.

D’après la directrice générale de Racine du développement Nord-Sud et Culture Canada, Ketcia Peters, certains membres du Service de police d’Ottawa nient l’existence du racisme systémique et manquent à leurs responsabilités par rapport à cet enjeu.

«Lorsqu’une conversation publique sur le racisme et sur [le phénomène] antinoir dans les organisations est entamée, les Blancs se sentent attaqués. Alors, on voit une fragilité de certains Blancs [à discuter de ces sujets délicats]», souligne Ketcia Peters.

Crédit : Courtoisie

Difficile d’admettre ses privilèges

La professeure de sociologie à l’Université d’Ottawa, Stéphanie Garneau, suggère que la réaction défensive des Blancs à la mention du racisme résulterait d’une perspective selon laquelle le racisme se limiterait à «croire que les Blancs seraient supérieurs aux autres races». 

«Plusieurs personnes blanches n’adhèrent pas à ce racisme idéologique et ne veulent pas être associées aux personnes et groupes qui, par manque de clairvoyance, d’éducation, etc., adhèrent à cette idéologie rétrograde. C’est encore plus vrai dans la période actuelle, où des politiques antiracistes voient le jour, même timidement, et où il est “de bon ton” socialement de prôner un discours antiraciste.»

Elle précise que pourtant «la présence du racisme institutionnel et systémique dans la société révèle que celui-ci n’est pas seulement idéologique, mais il est historiquement inscrit dans nos institutions et agit parfois à travers nous, malgré nous».

En effet, certains Blancs sont sur la défensive lorsqu’il est question d’inégalités et d’injustices puisqu’ils ont de la difficulté à admettre qu’ils sont privilégiés en raison de leur couleur de peau.

«Les Blancs profitent d’une organisation sociale qui racialise, hiérarchise et favorise les personnes blanches. Même s’ils n’ont rien demandé, la peur de perdre ces privilèges dans un monde qui serait plus égalitaire est là, plus ou moins consciente», remarque Stéphanie Garneau.

Une vague de sensibilisation d’ampleur inédite

Depuis le décès tragique de George Floyd en mai dernier, le regard d’une partie de la population à l’égard de la communauté noire a changé. Le mouvement Black Lives Matters a voyagé partout à travers le monde et a permis de sensibiliser ceux qui auparavant ne s’intéressaient pas forcément à la cause des Noirs.

«Ce n’est pas la première fois que des policiers tuent des Noirs, mais [désormais] les choses ne seront plus comme avant puisque la mort de Floyd a ébranlé les consciences collectives et individuelles de la population [mondiale]», relate la directrice générale de Solidarité des femmes immigrantes francophones du Niagara (SOFIFRAN), Fété Ngira-Batware Kimpiobi.

Crédit : Courtoisie

Elle estime que le confinement mondial découlant de la COVID-19 a suscité des réflexions existentielles chez plusieurs, puis que la mort de Floyd est venue ajouter à cette période étrange. «Les gens ont été révoltés et révulsés de voir que d’un côté, on est en train de lutter contre un virus et, de l’autre côté, un policier tue gratuitement et dans l’indifférence quelqu’un qui se met à pleurer en suppliant de ne pas le tuer.»

Ketcia Peters, de Racine du développement Nord-Sud et Culture Canada, a d’ailleurs remarqué que la vague de sensibilisation chez la population en général est beaucoup plus importante que par le passé.

Le sentiment d’indignation contre la brutalité policière aurait donné envie à plusieurs Blancs de s’instruire sur la réalité du racisme systémique, de soutenir la communauté noire en essayant de contribuer à mettre un terme au racisme et de sortir dans les rues pour faire partie de mouvement Black Lives Matter.

*Veuillez noter que les entrevues ont été réalisées avant la controverse à l’Université d’Ottawa.