Les rendez-vous de thérapie virtuelle ont connu une hausse fulgurante depuis le début de la pandémie. Les anciens comme les nouveaux clients ont été nombreux à se tourner vers les organismes d’aide en santé mentale qui remarquent depuis plusieurs mois les effets néfastes de la pandémie sur la santé mentale de la population.
«Les psychologues de notre équipe ont remarqué une augmentation des demandes de consultations d’anciens clients qui vivent une résurgence de leurs symptômes. Ces anciens clients représenteraient environ 20 % de notre clientèle active», note la psychologue clinicienne Monic Gallien, qui œuvre au sein de l’Équipe de santé psychologique d’Orléans (ESPO).
«Parmi les clients actifs de l’ESPO, on estime qu’environ 65 % des clients abordent des enjeux qui sont liés à la COVID-19 en thérapie […] On note qu’approximativement 15 % de la clientèle actuelle consulte directement en lien avec la pandémie», ajoute la Dre Gallien.
Une augmentation de 3000 %
À Toronto, les statistiques compilées par le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) vont dans le même sens : le nombre de rendez-vous virtuels effectués au Centre a explosé entre 2019 et 2020. Il n’a toutefois pas été possible de comparer le nombre de rendez-vous en personne effectués en 2019 avec le nombre de rendez-vous virtuels effectués cette année.
En septembre 2019, le CAMH a offert 266 rendez-vous virtuels, alors qu’à pareille date cette année, il en a effectué 8 643 : une augmentation de 3 149 %.
Le même constat a été observé depuis le début de la crise sanitaire puisqu’en mars dernier, 900 requêtes ont été logées au CAMH, comparativement aux 8 643 en septembre; une augmentation de plus 850 %.
Septembre est d’ailleurs le deuxième mois le plus occupé depuis le début de la pandémie au CAMH, juillet arrivant au premier rang avec un nombre record de 8807 appels.




Les capacités d’adaptation mises au défi
Pour la psychologue clinicienne au CAMH et professeure au Département de psychiatrie de l’Université de Toronto, Dre Katy Kamkar, cette hausse est notamment due au fait que la COVID-19 met nos capacités d’adaptation au défi.
«À travers chaque étape du confinement, nous avons dû construire une nouvelle routine à laquelle nous devons nous ajuster», souligne-t-elle.
Rassemblements limités, arrêt soudain des activités sociales et télétravail forcé sont autant de changements draconiens qui peuvent avoir d’importantes répercussions sur le moral.
«Il est attendu qu’une crise comme celle-ci ait des impacts émotionnels significatifs […] La pandémie de COVID-19 peut augmenter les peurs et les inquiétudes par rapport à notre santé et à celle de nos proches, [nous amener à] remettre en question des choix de vie préalablement établis, modifier certaines de nos habitudes de vie, aggraver certaines maladies chroniques et augmenter la consommation d’alcool, de drogues et de tabac», énumère la Dre Kamkar.

La solitude qui pèse lourd
Pour Alain Boudreau, Acadien d’origine et enseignant à l’Université d’Ottawa, c’est davantage le côté social qui est affecté : «Ce qui est le plus difficile pour moi en temps de pandémie, c’est la solitude et les limitations quant aux opportunités de socialisation. Étant donné que je suis séparé, que mes enfants vivent principalement avec leur mère et que ma famille et mes amis se trouvent au Nouveau-Brunswick, je ne peux pas passer les barrières provinciales pour aller les voir», déplore-t-il.
La pandémie prive également ce sportif amateur de son petit plaisir du jeudi soir : «Ma partie de hockey avec mes collègues de l’Université d’Ottawa tous les jeudis soir était très importante pour ma santé mentale, mais depuis la pandémie, je n’ai plus accès à cette belle activité. C’est très difficile», témoigne le professeur Boudreau.
En 2016, il a séjourné durant trois mois à la Maison Fraternité d’Ottawa, un centre de désintoxication pour toxicomanes francophones de l’Ontario désormais fusionné au CAP. Il a toutefois indiqué ne pas avoir ressenti le besoin de faire à nouveau appel à ces services depuis le début de la pandémie.
En septembre dernier, le gouvernement de l’Ontario a fait l’annonce d’un montant supplémentaire de 14,75 millions $ pour renforcer l’accès à des services en santé mentale et lutte contre les dépendances dans l’ensemble de la province. De cette somme, 3 millions seront consacrés à élargir l’offre de services virtuels et en ligne, une bouée de secours pour plusieurs tant que la pandémie durera.
Résultat du sondage
Dans le cadre d’un sondage (en anglais seulement) sur les effets de la COVID-19 sur la santé mentale des Canadiens, le Centre de toxicomanie et de santé mentale a collecté les données de plus de 5000 répondants. Quelques faits saillants :
- Près d’un quart des femmes (24,3 %) ont indiqué souffrir d’anxiété modérée à sévère, ce qui est nettement plus élevé que les 17,9 % constatés chez les hommes. Le même écart entre les sexes était évident dans les rapports sur la solitude (23,3 % pour les femmes et 17,3 % pour les hommes).
- Dans l’ensemble, les parents ayant des enfants de moins de 18 ans vivant à la maison étaient plus susceptibles de déclarer se sentir déprimés (29,1 %) que les adultes sans enfants (18,9 %).
- Il y a eu une augmentation significative chez les hommes et les femmes qui ont déclaré craindre de contracter la COVID-19, un quart (25,8 %) se déclarant inquiets contre 20,3 % lors de la dernière enquête menée cet été.
- La forte consommation épisodique d’alcool demeure un sujet de préoccupation, 28,5 % des hommes et 22,6 % des femmes signalant une consommation excessive d’alcool.
- Un adulte canadien sur cinq (20,3 %) a déclaré avoir demandé de l’aide professionnelle pour des problèmes de santé mentale afin de faire face à la pandémie au moins une fois au cours de la semaine précédant l’enquête.