Le Canada estime que 7000 Autochtones ont servi le pays pendant les deux grandes guerres mondiales. Cependant, on ignore combien de Métis et d’Inuits y ont participé. Officiellement, seuls les «Indiens inscrits étaient officiellement enregistrés par le Corps expéditionnaire canadien (CEC)»1. D’autre part, certains n’ont découvert leurs racines métisses que plus tard.
C’est le cas du père de Carole Cloutier. Laurier-Henri Sabourin, née à St-Charles, s’est engagé et est allé au front en juin 1944, à l’âge de 21 ans. Il faisait partie du Irish Regiment of Canada, el régiment d’infanterie basé à Sudbury encore aujourd’hui. D’après les recherches de Mme Cloutier, il aurait participé à des batailles en Italie, en France et en Allemagne. Il est resté en Europe jusqu’en mars 1946.
«Mon père ne savait même pas qu’il était Métis. Il avait une idée, mais c’est notre génération qui a vraiment découvert» ces racines, explique Carole Cloutier. Ces racines étaient plus qu’ignorées, elles étaient souvent rejetées à l’époque. Mme Cloutier raconte que ses tantes n’ont jamais voulu reconnaitre leurs origines métissées à la mort de son père. «Ç’a été une génération perdue.»
Laurier-Henri Sabourin est décédé le 17 mars 1991. Sa fille Carole raconte qu’il ne voulait jamais parler de ce qu’il avait vu. Il fuyait les émissions de télés qui parlaient de la guerre, entre autres parce qu’elles n’étaient représentatives de ce que lui avait vécu «C’était un temps très difficile pour lui. La seule chose qu’il disait, c’était qu’il avait vu beaucoup d’amis mourir», raconte sa fille.


Reprendre sa place
Ne pas savoir combien de Métis et d’Inuits sont allés au front rend les célébrations de la Journée des vétérans autochtones, le 8 novembre, encore plus importantes pour ces peuples. Cette journée devient la seule façon qui leur reste de reconnaitre leur apport à la liberté.
Pour Carole Cloutier, c’est un autre aspect de la réappropriation de leur histoire. «Le but du gouvernement, c’était de nous détruire, de se débarrasser de nous-autres. C’est un affront sur notre passé. Pour nous, c’est important de reconnaitre nos ancêtres. Faire semblant que ce n’est jamais arrivé, ce n’est pas la bonne chose à faire.»
De son côté, Mme Cloutier a étudié pour retrouver les traditions de ses ancêtres. Elle est présentement la représentante des femmes des familles métisses du Nipissing. «C’est très fort en nous. On a toujours su qu’il y avait quelque chose, parce qu’on est très attiré par la nature, à l’eau… c’est fort en nous.»
Un après différent
Dans une baladodiffusion (en anglais avec transcription française) produit par l’École de la fonction publique du Canada en 2019, le président du Conseil des vétérans de la Nation Métisse de l’Ontario et vétéran de la guerre du Golfe, Brian Black, décrit le retour à la vie normale des anciens combattants métis.
Pendant que les Autochtones et les blancs retournent parmi les leurs, les Métis sont souvent confrontés à la solitude. Après avoir été en groupe et presque sans vie privée pendant tant d’années, l’effet peut être radical.
«Alors, lorsque vous êtes libéré du service, vous êtes à la maison et vous vous retrouvez tout seul; vous n’avez plus personne à côté de vous chaque seconde de la journée. Lorsque vous êtes un vétéran métis, vous pouvez être seul et vivre reclus dans des régions rurales. Et si vous devez lutter contre des démons intérieurs, vous pouvez alors courir au désastre.»
M. Black rappelle que les Premières Nations et les Métis ont été de toutes les guerres canadiennes depuis la guerre anglo-américaine de 1812.
En septembre 2019, le gouvernement canadien a présenté ses excuses aux vétérans Métis de la Seconde Guerre mondiale pour ne pas leur avoir offert les mêmes avantages qu’aux autres survivants.

Une modeste cérémonie a été organisée le 8 novembre, Journée des vétérans autochtones, par l’association des Familles métisses de Nipissing (FMN) devant le tipi qui se trouve derrière le Collège Boréal. Moins de gens que prévu y ont assisté en raison des nombreux nouveaux cas de COVID-19 dans le Grand Sudbury.
Le président de FMN, Richard Meilleur (photo), était accompagné par son épouse Gaetane Regan et de l’enseignant du Collège Boréal Marc Hébert.
Quatre soldats métis ont été honorés lors de cette cérémonie : Laurier-Henri Sabourin (voir page 11), Lévis Meilleur, l’oncle de Richard Meilleur, Rosaire Pinard, le père de Mme Regan, et Donald Fowler de la Nation métis du Canada, un survivant de la Deuxième Guerre mondiale, toujours vivant et âgé de 97 ans.
Richard Meilleur rappelle que les Métis ont participé à toutes les guerres canadiennes depuis 1812. Sa génération est celle qui a redécouvert son identité, alors que les racines métisses ont été cachées pendant une centaine d’années.

