Au cours des prochaines semaines, nous rencontrerons les employés du Projet de services directs aux nouveaux arrivants du Centre de santé communautaire du Grand Sudbury. Comment aident-ils la communauté francophone de Sudbury à grandir et comment y sont-ils eux-mêmes arrivés?
Moïse Zahoui est le coordonnateur des services en immigration du Centre de santé communautaire du Grand Sudbury depuis le 8 septembre. Il a la lourde tâche d’assurer que le projet pilote Communautés francophones accueillantes et le Projet de services directs aux nouveaux arrivants livrent la marchandise.
Les services d’établissements et d’accueil des immigrants francophones dans le Grand Sudbury sont encore en construction, mais Moïse Zahoui croit qu’ils sont sur la bonne voie avec le projet de services directs. «Je ne dirais pas que tout est parfait parce que c’est un commencement, mais nous espérons dans l’avenir avoir un gros impact.»
Ils offrent un appui personnalisé pour faciliter l’intégration dans les sphères communautaire, culturelle et éducative — nous reviendrons sur chacune au cours des prochaines semaines. «C’est du tissage de liens et de ponts, c’est vraiment ce que nous faisons», précise M. Zahoui.
Parce que l’accueil des immigrants se fait dans les deux sens. Les nouveaux arrivants doivent être éduqués et outillés. Les organismes, les entreprises et les fonctionnaires doivent l’être aussi.
«Quand quelqu’un arrive d’ailleurs, c’est un gros choc. L’intérêt de la communauté, c’est vraiment que ce choc-là passe le plus rapidement», explique M. Zahoui. Et la meilleure façon d’y arriver, c’est de ne pas laisser les gens seuls. La communauté doit être renseignée sur les différences et les avantages et elle doit organiser des occasions de rencontres.
Partager la responsabilité de l’accueil entre les nouveaux arrivants et leur communauté est un principe relativement nouveau et qui est au cœur du projet pilote Communautés francophones accueillantes. «On avait besoin que les communautés elles-mêmes proposent de nouvelles approches qu’elles trouvent juste et qui leur permettra de s’outiller à mieux recevoir, accueillir et surtout retenir les nouveaux arrivants de langues francophones», explique le coordonnateur.
Et ce partage est d’autant plus important que les communautés francophones du Canada ont besoin des immigrants francophones pour conserver leur poids démographique et comme main d’œuvre. «Il faut être réaliste, l’immigration francophone, c’est une partie du futur de la communauté francophone en situation minoritaire que nous sommes. C’est la relève économique», insiste M. Zahoui.
Le message est de plus en plus connu par les communautés d’accueil, mais il reste des «zones grises». «On ne veut pas leur donner l’impression d’être des bouche-trous. C’est plutôt de leur ouvrir les bras et de les accueillir pour qu’ils soient plus à l’aise.»
Puisqu’il s’agit d’un projet pilote, Moïse Zahoui est aussi celui qui participe aux rencontres avec Immigration, Réfugié et Citoyenneté Canada et la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA). «Pour voir comment on peut ajuster, chemin faisant, la mise en œuvre.» Ce partage permet à tous les projets pilotes du Canada — il y en a trois en Ontario — de partager les pratiques gagnantes.
Le Réseau de soutien à l’immigration francophone du Nord de l’Ontario, les Services d’établissement du Collège Boréal, le Conseil scolaire catholique Nouvelon et le Conseil scolaire public du Grand Nord de l’Ontario sont tous partenaires dans le projet pilote.
COVID-19 et accueil
La pandémie a fait un peu dérailler les plans qui avaient été préparés et compliqué l’accueil des nouveaux arrivants. Des rencontres et des jumelages ont dû être abandonnés. Les priorités des efforts d’établissement seront donc changeantes au cours des prochains mois.
En temps normal, Moïse Zahoui dit qu’il serait en train de rencontrer divers partenaires communautaires et autorités pour «s’assurer qu’ils soient plus ouverts à cette population […] pour que les gens sachent comment les approcher, comment les recevoir».
En attendant, l’accueil se poursuit, mais est plus compliqué. Par exemple, des nouveaux arrivants ont dû rester à l’hôtel pendant des semaines. Moïse Zahoui aurait aimé voir plus d’appui de la Ville pour trouver des espaces où ces gens — qui doivent se confiner pendant 14 jours à leur arrivée — puissent être plus confortables. «Heureusement, on peut compter sur l’appui des groupes ethnoculturels qui les reçoivent.»
Qui est Moïse Zahoui?
Moïse Zahoui et sa famille ont décollé de la Côte d’Ivoire à 35oC et sont atterrit à -35oC à Sudbury en février 2015. Ses parents et ses frères y étaient déjà, alors il a eu une intégration un peu plus facile que d’autres, puisqu’il avait des guides qui l’ont aidé à comprendre les règles de la société et aller chercher les outils dont il avait besoin. «Ça m’a poussé à comprendre que si une personne vient ici sans appui, ça peut être difficile.»
«Quand je suis arrivé, j’ai découvert une communauté francophone très brillante et accueillante, surtout, qui m’a tendu les bras et m’a aidé dans mon processus d’intégration.» Assez de bonnes raisons pour y rester. Il se considère bien intégré puisqu’il s’y sent à l’aise.
Cette communauté qui l’a charmé est, à ses yeux, le plus grand atout du Grand Sudbury pour accueillir des immigrants francophones. «Une communauté francophone qui est déjà diversifiée, déjà très impliquée dans l’accueil des nouveaux arrivants.»
Elle fait par contre aussi partie du plus grand enjeu. Plusieurs immigrants arrivent croyant qu’ils pourront vivre uniquement en français, en partie dû aux informations qu’ils reçoivent avant leur départ, parce qu’on leur présente le Canada comme un pays bilingue. Pourtant, les emplois où la connaissance de l’anglais n’est pas requise sont très rares dans le Grand Sudbury.
L’accueil chaleureux qu’il a reçu ne l’a pas empêché d’être victime de propos racistes. Il en a entendu plus d’un lorsqu’il travaillait au service à la clientèle d’un grand magasin. «C’était choquant. Mais j’ai mis ça sur le compte d’un certain manque [d’information].»
Il croit comprendre pourquoi certaines personnes peuvent avoir ce genre de propos ou de réactions, qui sont souvent ancrés dans l’ignorance et les stéréotypes.
Il raconte que lors de la première discussion avec un nouveau voisin, celui-ci lui a demandé s’il avait déjà vu un lion. «J’ai commencé par sourire, parce que j’ai vu que c’était un problème d’information.» Alors il lui a simplement répondu la vérité : oui, au zoo.