Actuellement présidente de Dialogue Canada, organisme voué «à la paix sociale par l’éducation, la communication et la participation», Mme Cousineau raconte qu’elle a connu Mike Harris alors que les deux travaillaient au sein du Ontario School Trustees Council. Elle le considérait alors comme un ami. Elle croyait à l’époque qu’il aurait une oreille attentive à l’égard des francophones. Elle a vite déchanté. «Une fois qu’il est devenu premier ministre, je n’ai jamais réussi à le rencontrer, dit-elle. Il n’a jamais accepté mes invitations.»
Pour elle, la nomination de M. Harris au sein de l’Ordre de l’Ontario est «un peu un affront aux francophones.» Elle considère même que l’ancien politicien «a un visage à deux faces!»
Autre son de cloche
Questionné sur le fait que l’honneur fait à Mike Harris peut surprendre du côté franco-ontarien, l’avocat, professeur de droit à l’Université d’Ottawa et lui-même lauréat de l’Ordre de l’Ontario, Gilles LeVasseur, estime que cette haute distinction «porte sur l’ensemble de l’œuvre d’un individu et à ce titre, il a agi comme premier ministre de l’Ontario. Il ne faut pas limiter la reconnaissance à certains dossiers, mais regarder les actions dans son ensemble et voilà pourquoi il mérite la distinction».

Administrateur au sein du Regroupement des gens d’affaires de la capitale nationale (RGA), M. LeVasseur est d’avis que l’épisode de l’Hôpital Montfort aura permis aux francophones de l’Ontario «de revendiquer des droits dans le domaine de la santé, ce qui n’était pas le cas et, surtout, une reconnaissance juridique où la Loi sur les services en français est une loi quasi constitutionnelle».
Des silences qui en disent tout de même long
Pour recevoir l’Ordre de l’Ontario, il faut qu’une personne soit proposée par une autre et que le dossier soit accompagné par au moins deux témoignages différents signés. Le bureau de l’Ordre de l’Ontario n’a pas donné suite à notre demande d’identification des témoignages de la nomination de Mike Harris.
Parcours politique de Mike Harris
Premier ministre de l’Ontario de 1995 à 2002, Mike Harris, en voulant fermer Montfort, a soulevé tout un tollé de protestations, canalisé au sein de SOS Montfort, dont l’ancienne mairesse de Vanier, Gisèle Lalonde, était la figure de proue du mouvement.
Comment certains acteurs ou organismes de l’époque réagissent-ils à cet honneur à l’égard de Mike Harris? La directrice des communications de l’Hôpital Montfort, Geneviève Picard, répond : «Nous ne désirons pas commenter cette nouvelle». Idem du côté de l’Assemblée de la francophonie ontarienne (AFO) qui a décliné la demande d’entrevue.
L’ancienne procureure générale de l’Ontario, Madeleine Meilleur, était infirmière à Montfort en 1997. Elle a fait partie du combat pour sauver l’hôpital francophone d’Ottawa. Elle aussi a préféré s’abstenir de commenter. Quant à Ronald Caza, qui était à l’époque le conseiller juridique de l’Hôpital Montfort, il n’a pas retourné nos appels ou nos courriels malgré nos nombreuses demandes.
Selon Gilles LeVasseur, «la crise de Montfort est aussi une victoire pour les francophones et la prise en main par ces derniers. Ainsi, on doit dire merci par la bande à Mike Harris».
Une pétition visant à empêcher l’ex-premier ministre de l’Ontario de recevoir le réputé prix de l’Ordre de l’Ontario avait également récolté plus de 44 000 signatures en date du 6 janvier. Cette contestation est menée par les Premères Nations.
La crise de Montfort
«Le 24 février 1997, la Commission de restructuration des services de santé de l’Ontario recommande la fermeture du seul hôpital universitaire francophone en Ontario et dans tout le Canada à l’ouest du Québec. La communauté francophone réagit fortement. Sous la direction du président-directeur général, Gérald Savoie, de la présidente du Conseil d’administration Michelle de Courville Nicol et de l’ancienne mairesse de Vanier et présidente du mouvement SOS Montfort Gisèle Lalonde, on s’engage dans une lutte en règle. «Montfort fermé? Jamais!» À la suite de manifestations massives et d’une couverture médiatique importante, la cause se rend à la Cour divisionnaire de l’Ontario. En décembre 1999, Montfort gagne sa cause sur la force du principe fondamental non écrit de la Constitution, soit le respect et la protection des minorités linguistiques. Quelques jours suivant cette décision, le gouvernement a porté la décision en appel. Deux ans plus tard, le 7 décembre 2001, Montfort obtient une victoire finale devant la Cour d’appel de l’Ontario.» Source : L’histoire de l’Hôpital Montfort