Le juge en chef de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, Geoffrey B. Morawetz, entendait ce matin les arguments de l’Université Laurentienne pour que l’établissement obtienne la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) jusqu’à la fin avril. Il devrait rendre sa décision jeudi.
Il n’y avait pas d’opposition directe à la demande de la part d’organismes et des syndicats. Par contre, l’Association des professeures et professeurs de l’Université Laurentienne (APPUL) a signalé «qu’il est clair selon les documents que l’APPUL a une cible dans le dos». Le syndicat accuse l’université d’essayer de lui faire porter le blâme des problèmes financiers.
La médiation entre la partie patronale et ses syndicats a déjà commencé cet après-midi.
Les avocats de l’université réclament que les documents et autres informations de l’institution restent confidentiels. Ils craignent que leur divulgation compromette la médiation et que les demandes d’informations de la part des médias, entre autres, surchargent de travail les employés qui devraient plutôt être affectés à la réorganisation.
Les représentants des différents syndicats, de leur côté, soulignent que la Laurentienne est une institution publique et qu’elle se doit d’être transparente. De plus, ils n’auraient pas assez de donner pour prendre part aux discussions de façon informées.
La firme Ernst & Young, qui supervise le processus, semblait confiante de pouvoir gérer toutes les demandes d’information.
Un précédent, une question politique?
Une représentante du Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée a dit préférer que très peu de documents demeurent confidentiels. Le Bureau avance que même si c’est probablement la première fois, ce ne sera peut-être pas la dernière qu’une institution qui relève de financement public demande la protection de la LACC. Il ne faut pas que les prochains demandeurs aient l’impression que ce mécanisme leur donne le droit de cacher des informations.
L’Union des Associations des professeurs des universités de l’Ontario (OCUFA), et d’autres, a critiqué l’absence apparente de tout représentant du gouvernement provincial à la séance de ce matin. L’association a présenté le cas de la Laurentienne comme un problème plus répandu qu’on peut le croire et qui créera un précédent. L’Union voulait inclure le débat sur le financement des universités dans les démarches. Le juge Morawetz a dit préférer simplement se concentrer sur la demande première de l’université, soit de se placer sous la protection de la LACC. Les débats politiques peuvent avoir lieu ailleurs.
Une représentante du ministère du Procureur général s’est manifestée, mais personne du ministère des Collèges et Universités n’a signalé être à l’écoute de la séance.
Les arguments
Selon l’avocate de l’Université Laurentienne, la protection de la LACC est la seule avenue disponible pour l’université et pour profiter d’un prêt de 25 millions $ offert par une agence. Sans l’accord du juge, l’université n’aura pas les fonds pour payer ses employés le 25 février.
La réduction de la taille des programmes les moins populaires auprès des étudiants semble être le principal — et même le seul — objectif de la restructuration.
L’établissement justifie son état d’insolvabilité avec quatre arguments.
Un problème structurel. Avec un ratio de 20 étudiants par professeur et 83 % des étudiants inscrits dans les 50 programmes de baccalauréat les plus populaires (sur 132 programmes au total), la stabilité financière n’est pas possible.
Un problème géographique. La faible progression démographique du Nord limite le nombre de nouveaux étudiants que l’Université peut aller chercher. L’emplacement serait aussi moins intéressant pour les étudiants étrangers que les grandes villes.
Un problème opérationnel. La masse salariale de la Laurentienne représenterait 60 % de toutes ses dépenses. Ils ont reconnu que d’avoir dans un seul compte bancaire était un problème, mais que de nouveaux comptes bancaires étaient déjà en train d’être créés.
Finalement, un problème financier. Il en couterait à l’université 2000 $ par étudiants pour fonctionner, ce qui serait plus élevé que toutes autres universités, en plus d’avoir les 4e frais d’inscription les plus bas en l’Ontario. Le financement du gouvernement ontarien compterait pour 50 % des revenus de l’université. Il y a aussi une dette accumulée en raison des investissements de modernisation, mais qui n’ont pas attiré plus d’étudiants comme escomptés.
La COVID-19 aurait largement affecté les finances en privant l’université de revenus pour les résidences, les stationnements, les restaurants, etc.