le Dimanche 2 avril 2023
le Mercredi 17 février 2021 15:31 Éditorial

Les secrets de la Laurentienne et du gouvernement

La saga financière de l’Université Laurentienne s’est poursuivie la semaine dernière devant les tribunaux.

Mais comme vous avez pu lire dans ces pages, le juge de la Cour supérieure de justice, Geoffrey B. Morawetz a imposé le silence sur un des aspects fondamentaux de la situation. Quelle mauvaise décision!

Lors de la comparution des parties impliquées dans la restructuration judiciaire de l’institution, le juge a décrété que les documents relatifs aux communications entre l’université et le gouvernement resteraient scellés. On sait bien que la culture du secret fait partie du processus entamé sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Et c’est normal puisque les compagnies ont souvent des secrets financiers, de propriété intellectuelle ou de chaine d’approvisionnement à protéger. Mais la situation est tout autre quand c’est une institution financée directement par les gouvernements qui se prévaut de cette loi. Surtout quand c’est la première fois que ça arrive. 

Nous savons tous que le gouvernement a joué un rôle super important dans les déboires de la Laurentienne et des autres universités. La réduction de 10 % des frais de scolarité décrétée unilatéralement en 2019 et le gel de ces frais en 2020 ont sérieusement handicapé nos institutions postsecondaires. Ces mesures sont venues exacerber un déclin fulgurant du financement gouvernemental de ces écoles de haut savoir. Faut-il ajouter le gouvernement Ford a tout récemment refuser une aide financière de 100 millions $ que la Laurentienne quémandait.  

Quand on sait aussi qu’en 1982, les gouvernements défrayaient 82 % des dépenses universitaires et qu’en 2019 ils n’en couvraient que 24 % — la Laurentienne avance le chiffre de 50 % pour son financement —, on peut difficilement croire que le ministère ontarien n’est pas un acteur important du déclin financier maintenant devant les tribunaux. Un juge qui tente de cacher ce rôle gouvernemental n’agit pas en fonction des droits et des intérêts des contribuables.

Parce que ne vous leurrez pas, ce sont les contribuables qui paient une bonne partie de la note. Ce sont nos impôts qui paient le chauffage, les salaires et toutes les dépenses des universités. Et comme pour en remettre une couche, c’est nous qui allons encore payer la myriade d’avocats et autres conseillers impliqués dans la présente cause judiciaire.

De plus, cette cause devant les tribunaux affecte directement des milliers de personnes. Quelque 7000 étudiants se demandent aujourd’hui s’ils pourront terminer leurs études à la Laurentienne tel que prévu. Près de 350 enseignants craignent pour leur emploi. Et c’est sans compter les nombreuses institutions postsecondaires partout au pays qui, prises elles aussi dans la spirale du sous-financement, suivent avec grand intérêt le processus juridique entrepris ici.

Devant cet intérêt vital, la moindre des choses qu’un juge devrait maintenir c’est bien la transparence.