le Samedi 25 mars 2023
le Jeudi 1 avril 2021 19:43 Éducation

L’intersectionnalité au féminin

Les 17 et 20 mars derniers, deux conférences abordaient l’intersectionnalité en combinant les thèmes phares du mois de février et mars. — Crédit : Cr. rfstudio - Pexels
Les 17 et 20 mars derniers, deux conférences abordaient l’intersectionnalité en combinant les thèmes phares du mois de février et mars.
Crédit : Cr. rfstudio - Pexels
Deux conférences ont mis en lumière les difficultés d'appartenir à deux ou trois minorité à la fois

Deux conférences la semaine dernière ont marié les thèmes du mois de février et mars. Mois de l’histoire des noir, Journée internationale du droit des femmes et Mois de la francophonie étaient au centre des discussions organisées par le Centre de santé communautaire du Grand Sudbury, le Centre Victoria pour femmes et le Contact interculturel francophone de Sudbury.

Leadeurship au féminin : le regard de la diversité était la conférence organisée par le Centre de santé et le Centre Victoria le 17 mars et animée par l’agente de liaison culturelle, Priscilla Mbemba. Trois femmes ont apporté points de vue et solution afin que les femmes immigrantes puissent prendre davantage leur place dans la société canadienne.

La phrase «La femme est une ressource naturelle qui n’a pas été assez exploitée» a été prononcée par la technicienne en travail social Sarah Kazadi. Une expression qui a entrainé plusieurs messages d’approbation dans le fil de discussion. 

Sarah Kazadi faisait référence aux traditions de plusieurs pays qui demandent aux femmes de rester à la maison. Les mentalités changent au Canada, mais dans plusieurs autres pays, le mariage est encore vu comme le but ultime à atteindre pour elles. Pourtant, ce n’est pas un style de vie désiré par toutes et qui permet à toutes de s’épanouir.

Ces «ressources naturelles», ce sont les habiletés des femmes qui sont sous-utilisées sur le marché du travail. En partie parce qu’elles ont été limitées au titre de ménagère pendant longtemps et que ce vieil ordre social persiste encore dans la tête de certains.

Le modèle sexiste de la séparation des activités est vieux et nous ne sommes pas encore arrivés à en sortir, renchérit la travailleuse sociale et intervenante au Centre Victoria, Suzie Jean Philippe.

Les femmes et familles immigrantes qui arrivent d’un pays où la vision traditionnelle est prédominante pourront avoir plus de difficulté à adopter le modèle canadien, souligne l’étudiante en affaires Marie Emanuelle Adopo. Elle suggère de ne pas confronter son conjoint en revendiquant ses nouveaux droits canadiens, mais plutôt de s’assoir et de discuter des besoins de chacun.

Selon le coordonnateur des services d’immigration du Centre de santé, Moïse Zahoui, il y a une réflexion qui commence sur le sujet dans d’autres parties du pays, mais aucun organisme à Sudbury peut appuyer une famille dans cette démarche.

Une spectatrice a demandé des conseils pour attirer des femmes issues de l’immigration à s’engager dans les organismes culturels. Sarah Kazadi propose d’en recruter plus d’une à la fois. Être la seule personne de couleur peut être intimidant. Si elles sont au moins deux, elles seront beaucoup plus intéressées. 

L’animatrice suggère aussi d’utiliser des images comprenant des nationalités variées dans ses outils de promotion afin de signaler qu’un organisme est ouvert à tous et à toutes.

Le féminisme est-il blanc?

Les trois panélistes invitées par le Contact interculturel francophone de Sudbury (CIFS) s’entendent : oui, le féminisme est blanc. Surtout en Amérique du Nord. 

La présidente de la Coalition des Noir.e.s Francophones de l’Ontario, Julie Lutete, a remarqué il y a longtemps qu’il y a très peu, même aucune, femmes noires haut placées dans les institutions, même dans celles qui doivent représenter les femmes. 

Pourtant, comme l’explique la professeure en travail social de l’Université Laurentienne, Isabelle Côté, il faut qu’il y ait des représentants des minorités en position de pouvoir pour que leurs besoins soient pris en considération. Elle fait remarquer que les avancées des droits des femmes ont toutes été obtenues lorsqu’il y avait des femmes en position d’autorité dans les gouvernements.

Ce précepte s’applique aussi à la diversité selon Mme Côté : s’il n’y a pas de femmes des minorités culturelles dans les postes de décision, leurs besoins ne sont pas pris en compte. Les conséquences peuvent être graves, car certaines solutions mises de l’avant par les femmes blanches peuvent causer du tort aux femmes de la minorité. Par exemple, l’augmentation du financement des corps policiers peut être bien vu par les femmes blanches, mais sera un danger pour les femmes noires.

En même temps, elles soulignent qu’il ne faut pas pousser une femme dans un rôle qu’elle ne peut pas occuper simplement pour cocher des cases dans un formulaire de diversité. La professeure de biologie de l’Université Laurentienne, Mery Martinez, dit que des femmes sont souvent invitées à faire partie d’un groupe simplement pour être à la fois la représentante des femmes, des immigrants et des francophones, par exemple. 

Dans ces circonstances, les compétences comptent peu, seulement l’identité. La femme se retrouve alors surchargée de travail comparativement aux collègues du même groupe. Comble de malheur, elle sera souvent moins écoutée et les hommes s’approprient ses idées.

Malgré les progrès réalisés depuis les années 1970, le combat doit continuer. Aussi bien l’élection de Donald Trump que les impacts de la pandémie démontrent que les acquis peuvent être très rapidement perdus. 

Parmi les solutions, au-delà de trouver des femmes qui ont le désir de prendre les rôles difficiles, il y a l’éducation. Aussi bien dans la cellule familiale que dans les institutions. Les alliés masculins sont aussi les bienvenus dans certaines circonstances, pourvu qu’ils soient sincères et intègres.