Le 14 mai, quelque 2000 journalistes canadiens ont signé une Lettre ouverte aux salles de nouvelles canadiennes au sujet de la couverture médiatique de la situation en Israël-Palestine*. La lettre a été publiée alors que la violence qui envenime les relations entre Israël et la Palestine reprenait de façon dramatique. Le message des journalistes est assez simple. Ils demandent que les médias canadiens appliquent au conflit Israël-Palestine les mêmes standards journalistiques qui s’appliquent à toutes les nouvelles.
Selon les signataires de cette lettre, la plupart des chefs de bureaux de nouvelles du Canada sont «frileux». Ils refusent depuis des années de couvrir objectivement ce conflit parce qu’ils ont peur des plaintes des supporteurs d’Israël. Ils ne publient donc pas le contexte historique qui expliquerait la frustration des Palestiniens privés de territoire et soumis au contrôle quotidien d’Israël. Ils donnent en exemple un récent rapport de Human Rights Watch qui conclut qu’Israël est coupable de crime contre l’humanité dans son traitement des Palestiniens. Seuls La Presse canadienne et le Globe and Mail en ont rendu compte.
Les journalistes expliquent que cette frilosité des chefs de nouvelles les amène à couvrir les conflits Israël-Palestine de l’unique point de vue des politiciens et des militaires israéliens. Ils ajoutent : «Les voix des Palestiniens ne sont que rarement centrées ou représentées».
En fait, la plupart des guides journalistiques (Style Guides) des médias les plus importants du pays interdisent l’utilisation du mot «Palestine» sous prétexte que ce n’est pas un pays. Il est aussi notoire dans la profession que des journalistes racisés sont rarement affectés à couvrir ce dossier. C’est comme s’ils/elles ne pouvaient rapporter la nouvelle objectivement. Pourtant, ils sont peut-être ceux qui comprennent le mieux la situation.
Dans leur lettre, les journalistes signataires s’en prennent au conflit Israël-Palestine parce que c’est la conflagration qui fait les manchettes depuis plus de deux semaines. Mais leur recommandation devrait s’appliquer à tout conflit armé, que ce soit une escarmouche entre nations ou une guerre civile. Parce qu’il ne faut pas se leurrer, même les médias dits indépendants deviennent des machines de propagande lorsque leur pays est impliqué dans un conflit armé.
Rappelons la couverture des médias américains et canadiens pendant la guerre du Golfe ou les conflits en Afghanistan et en Iraq. Même chez les plus objectifs on sentait bien le parti pris pour nos militaires. Les médias de tous les pays diabolisent l’ennemi tout en glorifiant leurs soldats et leurs alliés. Certains diront que c’est de bonne guerre — jeu de mots intentionnel —, mais il en résulte une information toujours biaisée, souvent trompeuse.
Il est difficile de rester objectif quand notre pays est engagé militairement, mais l’objectivité est un des piliers de l’information indépendante et il est inconcevable que nous sacrifiions ce principe par crainte de représailles de groupes de pression.
NDLR : Réjean Grenier a couvert la guerre du Golfe à bord des navires canadiens imposant le blocus dans le golfe Persique.