le Mercredi 29 mars 2023
le Lundi 21 juin 2021 15:20 Chroniques et blogues

Madame la professeure Laure Hesbois

  Photo : Archives Le Voyageur
Photo : Archives Le Voyageur
par Mireille Groleau, diplômée ès lettres (1984), Université Laurentienne

La première fois que j’ai rencontré Laure Hesbois, j’ai su tout de suite que j’avais affaire à une femme peu commune. 

C’était à l’automne 1981. Première année d’université. Vraiment pas prête à affronter ce qui se présentait à moi. À l’entendre marcher, avec ses talons durs et son pied ferme, on aurait cru voir apparaitre une femme grande, solide, à l’allure du Nord. Pas du tout. À peine 4 pieds 10, cheveux courts, léger maquillage et rouge à lèvres impeccable, c’est par elle que j’allais découvrir les poètes maudits, dont Charles Baudelaire et les Fleurs du mal. 

Passionnée, rigoureuse, avec un humour caustique qui me passait 100 pieds au-dessus de la tête, elle n’était pas ce que je m’attendais à voir comme femme professeure d’université. Savante, féministe, linguiste : rien ne lui échappait. 

Elle était plutôt discrète sur sa vie personnelle. J’aurais aimé savoir qu’elle était originaire d’un hameau du centre de la France, Bétête en Creuse, d’à peine 800 habitants. Je pense que ça m’aurait aidé à comprendre comment elle arrivait à établir une relation avec tous ces étudiants et étudiantes originaires de petits villages du Nord ontarien. 

Car elle était bel et bien ancrée dans son territoire d’adoption. Elle disait haut et fort que, selon elle, les gens du Nord étaient les vrais Franco-Ontariens alors que ceux de l’Est ontarien étaient davantage des quasi-Québécois! On ne savait jamais si elle était sérieuse ou si cette affirmation lui permettait de faire un clin d’œil à des collègues d’Ottawa.

Arrivée à l’Université Laurentienne à la fin des années soixante, elle a enseigné au Département d’études françaises, dont elle a par la suite assumé la direction de 1986-1990. Elle retournait chez elle, en France, lors de ses sabbatiques, et c’est là qu’elle a fait un deuxième doctorat en linguistique. 

Son examen de fin d’année était habituellement oral. Elle plaçait sur un bureau la pile de livres au programme et lançait : choisissez-en un et parlez-m’en! C’était une autre époque. 

Elle est décédée en décembre dernier, à l’âge de 88 ans. Inhumée le dernier jour de l’année. Je suis certaine qu’elle écoutait son biorythme. Elle aimait les choses bien planifiées, bien ficelées, bien terminées. Que de mieux, dans ce cas, que de finir son séjour terrestre un 31 décembre?

Quand je cherche un souvenir d’elle, je la vois, devant sa classe de littérature française, au 3e étage de l’édifice des arts, brandir un livre et dire : « C’est à lire. Pour l’instruction et pour le plaisir. »

(Un remerciement tout spécial à Jacqueline Gauthier et Benoît Cazabon qui ont partagé avec moi leurs souvenirs de Laure Hesbois, professeure de français et regrettée collègue).

Au cours de l’été, le CRCCF, l’ULNO et Le Voyageur présenteront gens et évènements qui ont marqué l’éducation postsecondaire en français à Sudbury et dans le Nord de l’Ontario.