le Dimanche 2 avril 2023
le Lundi 12 juillet 2021 15:28 Éducation

On ne nait pas allié, on le devient 

Semaine de la Fierté

Lorsqu’on fait partie de la majorité et de groupes sociaux dominants, qu’on le veule ou non, la majorité des espaces, des systèmes et des traditions ont été mis en place par des gens comme nous. Le statu quo, à la base, n’a pas d’impact négatif sur nous. Mais pour plusieurs gens dans notre société, ce n’est pas le cas. Il faut réaliser que certaines réalités, certaines choses que l’on tient pour acquis, sont oppressives.

Pensez au bilinguisme institutionnel : en ce qui concerne les anglophones, l’embauche d’un francophone à la direction a répondu aux besoins de cette population, qui de son côté connait bien les lacunes du système en son ensemble et en subit les conséquences à tous les jours. C’est la même chose pour les gens qui sont assujettis à d’autres formes de discrimination systémique. On réalise rarement qu’une chose est un problème avant qu’on y soit confronté ou qu’elle nous soit expliquée par quelqu’un pour qui elle est un défi quotidien.

Mais une fois qu’on sait qu’un tel problème existe, quelles sont nos responsabilités? En tant que personnes vivant en société, comment pouvons-nous aider? Ce sont à ces questions que ce texte va tenter de répondre. Bien sûr, je n’ai pas toutes les réponses, mais j’espère faire remuer vos méninges et vous donner quelques pistes de réflexion.

Le travail d’allié commence par la reconnaissance qu’on n’est pas au centre de l’enjeu. Il faut éviter de prioriser ses émotions et ses expériences. C’est difficile, quand même. Il se peut très bien qu’on se sente lésé par un commentaire ou une prise de position. Ces sentiments sont essentiels au travail d’allié; en plus de soutenir un groupe dans ses revendications, on doit également questionner nos propres biais, préjugés et idées préconçues.

Ceci nous ramène à l’idée que les membres des groupes marginalisés sont les experts de leurs propres expériences. Ils ne sont pas là pour nous ménager ou pour nous rassurer de notre vertu; ils vont nous dire les quatre vérités en pleine face et c’est à nous d’absorber cette information et d’en faire de quoi. Si quelqu’un nous parle de la discrimination qu’il subit, surtout si nous sommes coupables de faire cette chose, c’est à nous de l’écouter et de le prendre au sérieux. Ce n’est pas une question de l’écouter aveuglément, mais plutôt de comprendre que ses expériences sont différentes des nôtres. Il faut faire appel à notre capacité d’empathiser avec eux, de voir que nos expériences peuvent être différentes et qu’il est très possible que nous jouons un rôle dans la propagation de ces systèmes d’oppression.

Maintenant, comment peut-on savoir quels sont les enjeux? Écouter peut sembler très simple, mais c’est du travail. On peut être tenté de trouver la personne dans notre entourage qui appartient à un groupe particulier et la bombarder de questions. Cette impulsion est problématique pour deux raisons. D’un côté, on pourrait baser nos opinions sur celles d’une seule personne, alors qu’aucun groupe n’est un monolithe. De l’autre, on place la responsabilité de nous éduquer à une personne qui, plus souvent que non, est souvent dans des positions où elle doit parler au nom de sa communauté. C’est à nous de faire notre recherche. Souvent, les réponses à nos questions existent, on doit tout simplement aller les trouver. Ce n’est pas évident de savoir par où commencer sa recherche, mais dans ce cas-là, il peut être utile de demander à nos amis, à nos proches ou de fouiller les internets. Il ne faut pas non plus s’attendre à ce que les choses soient noir ou blanc ou qu’elles puissent être facilement résumées. On ne s’attend pas à ce qu’on ait une maitrise parfaite des enjeux, mais on apprécie énormément si nous avions fait notre recherche.

Après ça, on peut prendre la parole et passer à l’action! Mais c’est important d’emboiter le pas des groupes que nous voulons appuyer. Quelles sont les démarches qu’ils veulent poursuivre? Quels sont leurs messages clés? Quand on se prononce, on utilise notre voix comme courroie de transmission pour les personnes marginalisées et on utilise notre plateforme ou notre influence dans nos propres cercles pour amplifier leurs voix.

Puis il faut s’attendre à faire des erreurs! Une personne qui s’essaie, même si c’est un peu tout croche, et qui est prêt à en apprendre davantage c’est déjà beaucoup mieux qu’avoir des gens qui se disent alliés, sans poser de geste concret. Puis, il se peut aussi très bien que lorsqu’on nous corrige, que ce ne soit pas fait avec doigté. Même quand on nous remet les pendules à l’heure un peu brusquement, c’est encore plus rough
d’être de l’autre côté, de vivre ces choses-là et d’avoir l’impression de se répéter ad nauseam
et de crier dans le vide. Le travail d’allié c’est quelque chose que nous devons faire constamment et être capables de réagir et de s’ajuster en est une composante importante. Il existe bien des différentes façons d’effectuer ce travail-là et celles-ci ne sont pas nécessairement pour tout le monde. On peut manifester, on peut rédiger des lettres ouvertes, faire des plaintes officielles, faire des dons, bref, peu importe la façon dont nous décidons de contribuer, l’important c’est de poser le geste.

Ultimement, l’objectif n’est pas d’être allié pour toujours. C’est de devenir complice, des partenaires, d’élargir le cercle en espérant qu’il devienne assez grand et qu’on puisse exercer ce pouvoir collectif afin d’effectuer un changement dans l’objectif de rendre la société plus équitable et plus justice. C’est une grosse job, ça. Mais la route vers le changement commence avec un geste concret, même tout petit.

Je vous invite à réfléchir à ce que vous avez fait de concret dernièrement pour appuyer les groupes marginalisés dans votre communauté. Puis cette invitation ne se veut pas accusatoire, loin de ça. Même si je sais que je travaille pour l’épanouissement et le bienêtre de mes communautés, je sais aussi que je peux toujours en apprendre et en faire davantage, autant pour les groupes dont je suis membre que ceux dont je ne le suis pas. Je comprends que je n’ai pas la science infuse et que le travail d’être complice c’est un travail de longue haleine. Puis dans le marathon qu’est le travail de la justice sociale, ça prend des gentils gens avec des tasses d’eau sur le bord de l’autoroute.

Alex Tétreault
Président, Fierté Sudbury Pride

Fierté Sudbury Pride et Le Voyageur présentent encore cette année une série de textes pour la Semaine de Fierté Queerantaine 2.0. Visitez lavoixdunord.ca chaque jour pour ne rien manquer.