Et si un jour, juste de même là, les gens commençaient à être capables de lire dans les pensées des autres. La communication, telle qu’on la connait, serait radicalement transformée. Du jour au lendemain, on en aurait fini avec les Zooms qui auraient pu être des emails ou bien les appels téléphoniques qui auraient pu être des textos. Vraiment là, on pourrait juste avoir accès à l’esprit de l’autre à volonté. Heille, pour de vrai, ça serait tu pas cool?
Puis là, what if je vous disais que vous étiez l’une des seules personnes à ne pas posséder ce nouveau pouvoir? Que vous étiez l’une des seules personnes laissées pour compte par cette révolution sociétale? All of a sudden, vous seriez exclu du group chat, les inside jokes
vous passeraient au-dessus d’la tête (littéralement!), puis, éventuellement, peut-être qu’on vous oublierait lorsqu’il s’agirait de diffuser des informations vitales. Tsé, du genre «Comment avez-vous pu manquer l’alerte à la tornade? Ils ont juste oublié de vous le dire? Ah bon. Oops.»
Alors, à ce moment-là, vous considéreriez-vous comme personne décapabilisée?
C’est ce qu’on appelle en anglais la social structure of disability. Lorsque l’on examine les principes de la justice décapabilisée, il est important de comprendre que c’est la société, et non les personnes décapabilisées, neurodivergentes et/ou MAD comme telles, qui rends les gens décapabilisés. Notre compréhension de l’identité décapabilisée est directement informée par les mêmes barrières d’accès que notre société crée et maintient. En retour, ces idéaux sont directement renforcés par le système de la suprématie blanche et du capitalisme qui prospèrent dans notre système de la santé.
Imaginez-vous. Si toutes nos vies quotidiennes étaient entièrement accessibles, alors, est-ce que les personnes décapabilsées existeraient pour commencer?
Juillet c’est le mois de la fierté décapabilisée. C’est ce qui suit immédiatement le mois de la fierté «régulière», qui se produit en juin pour beaucoup de gens. Je pense qu’il y a un peu d’ironie de la part de la personne en charge du calendrier annuel…
La fierté exclut notoirement les personnes Queer et Trans* qui vivent à l’intersection de l’une ou plusieurs autres identités marginalisées, en mettant au centre le party des plus privilégiés (*ahem* hommes cis, blancs, gay, capabilisés). C’est particulièrement vrai pour la communauté décapabilisée. La plupart du temps, les festivités et les évènements de la Fierté nous laissent dans la poussière.
Ignorant la pandémie, il y a de fortes chances que j’aurais choisi de ne pas participer au gros party de la Fierté cette année. En tenant pas compte du manque de sécurité générale que je ressens en assistant à la plupart des évènements Queer en tant que personne transféminine, c’est la surabondance de stimulation qui m’aurait retenue à la maison.
Depuis que je suis toute petite, j’ai toujours eu des problèmes sensoriels. Parfois, c’est aussi simple que je magasine au Village des Valeurs que si Céline joue un peu trop fort ou ben que le néon dans le coin gauche clignote juste un peu trop vite, mon corps commence à freaker. Les muscles qui me tiennent debout commence à céder, les coins de ma vision commencer à se colorer, puis, je commence à entendre la résonance de mon coeur dans mon cerveau. Pour de vrai, dans ces moments-là, je suis à une seconde de m’effondrer sur le plancher puis plus être capable de me relever pour un petit boutte. C’est quoi meltdown, en français? Très franchement, dans ces moments-là, j’ai même plus envie d’exister.
Si le Village des Valeurs le mardi matin peut me faire ça, pouvez-vous imaginer à quel point je n’ai pas envie d’aller à la marche de la Fierté? Mais tsé, c’est weird
parce que mon expérience est loin d’être isolée. Si vous voyez à quel point ma communauté 2SLGBTQIA+ est affectée par des enjeux similaires, vous seriez surpris.e !
DONC, si on tient en compte ce que l’on sait de la social structure of disability, est-ce que c’est le mois de la Fierté qui me rend décapabilisée? Pas tout seul là, il y a encore onze autres mois dans l’année, mais peut-être qu’il est quand même responsable, juste un petit peu.
Lorsque nous nous rassemblons pour fièrement célébrer nos communautés Queer et Trans*, ralentissons-nous pour prendre soin de nos gens qui ne peuvent pas accéder à la fête? Veillons-nous à ce qu’il y ait aussi des Fiertés tranquilles et relax? Veillons-nous à ce que les corps décapabilisés des personnes Queer et Trans* puissent également se shaker l’derrière? Chanter à tue-tête? Veillons-nous à ce que nos corps se sentent beaux et sexy, aussi? Pour qu’on se sentent chez nous? Veillons-nous à ce qu’il existe un moyen sûr et efficace pour qu’on retourne à la maison une fois que le party terminé? Qu’on s’endorme en souriant, pensant à quel point sa faisait du bien de voir toutes les parties de nos identité célébrées dans leur ensemble? Qu’on rêve de se sentir fier pour toute un été complet? Une vie même, peut-être?
Merlin Simard, Tkaronto