Une professeure de géologie de l’Université Laurentienne, Elizabeth Turner, pense avoir découvert ce qui semble être des fossiles d’éponges datant de 890 millions d’années sur le site d’anciens récifs dans les montagnes Mackenzie, dans les Territoires-du-Nord-Ouest. Ces fossiles dépassent d’environ 300 millions d’années tout autre fossile animal incontesté et inscrit à l’histoire.
Mme Turner, professeure à l’université depuis 2005, a publié ses observations dans la revue scientifique Nature, dans l’article à libre accès intitulé «Possible poriferan body fossils in early Neoproterozoic microbial reefs» (596, pages 87–91 [2021]). Dans l’article, elle explique les similarités parmi les structures fossilifères de corps d’éponges découvertes dans les rochers de récif et compare celles-ci aux microstructures dans des fossiles de corps d’éponges beaucoup plus jeunes.
La professeure de géologie possédait déjà ces roches spécifiques depuis qu’elle a terminé son doctorat à l’université Queen’s. «À l’époque, je ne savais pas exactement ce que je regardais, alors j’ai décidé de le garder et de le garder pour plus tard», souligne-t-elle. Mme Turner avait donc décidé que ce serait son projet de pandémie.
Reculons dans le temps
La planète Terre est d’environ 4,5 milliards d’années et la vie était là pour une bonne partie de son séjour principalement sous forme de bactéries. «Nous n’avons pas d’organismes plus complexes jusqu’à il y a environ 1,5 milliard d’années, et par complexe, je veux dire des organismes unicellulaires ou une petite quantité de cellules», dit la professeure. Les premiers fossiles d’animaux incontestés se trouvent dans une roche vieille de 540 millions d’années. «C’est un grand chiffre, 540 millions en géologie», explique-t-elle.
Il est généralement admis que les cellules animales datent plus loin que 540 millions d’années, mais les preuves manquent. En 1859, «Darwin savait que ce manque de preuves ne correspondait pas à sa théorie de l’évolution, c’était la seule chose qu’il avait de besoin. C’est ce qu’on appelle le dilemme de Darwin, et il est toujours d’actualité aujourd’hui », poursuit-elle.
Elle s’est donc lancée dans une quête pour essayer de répondre à certains des dilemmes de Darwin et élever la marque au-delà de 540 millions d’années pour les cellules animales. «Si vous regardez l’arbre de vie animal, du point de vue de l’évolution, le type d’animal le plus basique est l’éponge. […] Par conséquent, ils ont peut-être été les premiers; c’est l’inférence la plus logique», dit-elle.
Donc, les éponges sont les choses à rechercher. «Maintenant, nous avons à déterminer ce qu’il faut chercher ainsi qu’où », poursuit-elle. Il faudra trouver des roches qui ont des preuves microscopiques de cellules animales.
Cependant, le sujet de trouver des cellules animales qui dépassent 540 millions d’années est très controversé, «comme ça devrait l’être en science. J’ai pensé, eh bien, je travaille déjà avec des roches qui ont 300 millions d’années de plus que le plus ancien fossile animal éprouvé. Du coup, l’âge proposé de 890 millions d’années n’est plus aussi choquant.
L’importance de la découverte la rendait d’autant plus spéciale pour elle. «Alors, j’ai regardé les boutures de roche que j’ai faites et je me suis dit, ‘wow, c’est vraiment incroyable si c’est ce que je pense que c’est», souvient-elle.
La roche qui contient la preuve de cellules animales qui datent de 890 millions d’années dans une roche proviennent des monts Mackenzie, une région éloignée, inhabitée et non développée dans les Territoires-du-Nord-Ouest du Canada. «Il n’y a pas de routes dans ce coin-là du pays. On peut seulement s’y rendre par hélicoptère», souligne-t-elle.
On peut lire son article scientifique en ligne au https://www.nature.com/articles/s41586-021-03773-z.


