Depuis 2019, les banques alimentaires de Kapuskasing et de Hearst ont vu leur clientèle gonfler respectivement de 33 % et de 22 %. Au pays, la moyenne se chiffre à 20,3 %, selon le Bilan-faim 2021 de Banques alimentaires Canada. Mais dans l’une et l’autre de ces petites villes de la route 11, les responsables de ces banques soulignent surtout la générosité de leur communauté.
Plusieurs facteurs expliquent la fréquentation accrue des banques alimentaires, partout au pays : la hausse rapide du prix des aliments, l’augmentation du cout du logement et de faibles revenus (soit des prestations insuffisantes ou des pertes d’emplois), toujours selon le Bilan-faim canadien.
«Quand on voit la ligne à l’extérieur, le jeudi, ça en dit beaucoup», relève le trésorier bénévole de la banque alimentaire de Kapuskasing, Yves Labelle. «C’est comme ça toutes les semaines.»
De fortes hausses
À Kapuskasing, la banque alimentaire établie à l’angle des rues Sheppard et Cain sert près 400 personnes à l’heure actuelle, en forte hausse depuis 2019. «On était à pas tout à fait 300 avant la pandémie», note Yves Labelle.
La croissance a d’abord été graduelle, puis marquée en 2021. «L’année passée, c’était une augmentation de 10, 15 %, précise le bénévole. Mais cette année, c’était considérable : 20, 25 %.»
À Hearst, la présidente du Samaritain du Nord, Annie Rhéaume, estime que la fréquentation s’est stabilisée en 2021, malgré une légère hausse. Les hausses ont été de 13,5 %, puis de 7 %; un total d’environ 22 % sur deux ans.
En décembre, le Samaritain du Nord distribuera 90 boites de denrées, comparativement à 84 l’année dernière. À ce moment-là, une dizaine de nouveaux foyers avaient profité des services du Samaritain. «Ça n’a pas monté autant que j’aurais pensé, avoue Mme Rhéaume. Je croyais qu’on en aurait beaucoup plus.»
Les besoins sont généralement accrus à l’approche du temps des Fêtes. L’économie régionale explique en partie le phénomène. «On a du monde qui a des emplois saisonniers, on ne les voit pas de l’été, mais au mois de novembre, plusieurs personnes se font mettre à pied, présente Yves Labelle. Durant les Fêtes, c’est toujours occupé. [À la mi-novembre], on avait 50 clients, ce qui est pas mal intense. Ça représente 100, 120 personnes.»
Le temps des Fêtes
À Hearst, le 16 décembre, le Samaritain distribuera une dinde et une tourtière par famille, pour que chacun ait droit à un repas de Noël traditionnel.
Dans les deux petites villes, des cartes cadeaux du supermarché local seront distribuées — une dépense de 10 000 à 15 000 $ pour chacune de ces banques. Cette pratique permet aux clients d’acheter des produits qui leur plaisent. «Si tu jettes la moitié de ce que je te donne parce que tu n’aimes pas ça, c’est du gaspillage», plaide Yves Labelle.
À Kapuskasing, les cartes cadeaux ne donnent accès qu’aux produits alimentaires — pas de cigarettes, de boissons gazeuses, d’alcool ou de produits d’entretien ménagers. «On veut s’assurer que les enfants aient à manger», poursuit le trésorier.
Des communautés généreuses
«C’est une situation pas tout le temps le fun, mais il y a un côté positif», lance Yves Labelle : les communautés sont derrière leur banque alimentaire.
«On a été chanceux, on a eu des donations toute l’année», exprime Annie Rhéaume de Hearst, reprenant le même discours qu’en fin d’année 2020. Elle le réitère : «On est chanceux! Les gens, ceux qui sont capables, sont très généreux.»
À Hearst, Rayonier et Green First, qui ont racheté tour à tour les installations de Tembec, ont versé de généreux dons. «Ça nous aide beaucoup pour les achats de décembre, justement. C’est avec ça qu’on peut acheter les cartes cadeaux.»
L’écho est le même à Kapuskasing. «Le support, ce n’est pas croyable», dit à son tour Yves Labelle. Il cite, pour sa part, quelques organisations qui ont appuyé la banque alimentaire. Le Centre de loisirs a versé 1250 $ et des denrées. Le Circle Confectionary a amassé presque 3500 $ et quelques centaines de livres de denrées. Les gens d’affaires et des citoyens lancent de leur propre chef des initiatives. Les fermes locales fournissent des carottes et des pommes de terre et les gens qui ont des potagers livrent leurs surplus.
«Ça n’arrête pas, ça n’arrête jamais», s’étonne Yves Labelle, qui en vient à la même conclusion que sa collègue de Hearst : «On est chanceux, on a beaucoup de support.»
Les bénévoles sont aussi au rendez-vous. À Hearst, la COVID-19 force encore la réduction des effectifs pour assurer la distribution mensuelle, mais à Kapuskasing, l’ouverture hebdomadaire de la banque alimentaire entraine la participation d’une vingtaine de bénévoles par mois. «Du monde qui a le cœur à la bonne place, précise Yves Labelle. C’est très important. Les volontaires sont là parce qu’ils aiment le monde.»
La clientèle
«Y en a beaucoup qui critiquent, mais s’ils venaient voir, ils changeraient d’idée, poursuit Yves Labelle. Je dirais que 80, 90 % de nos clients, c’est du monde sur des pensions, c’est des gens qui ont des problèmes d’apprentissage, la moitié qui n’est pas capable de lire, évalue le bénévole. C’est pas croyable comment ça ouvre les yeux.»
Selon le Bilan-faim 2021 de Banques alimentaires Canada paru fin octobre, les banques alimentaires en Ontario sont fréquentées à 32 % par des enfants, à 9,4 % par des personnes âgées. Le tiers de leurs usagers vivent de pensions d’invalidité et le quart de l’aide sociale.