le Mercredi 29 mars 2023
le Dimanche 20 février 2022 16:26 | mis à jour le 20 février 2022 16:27 Arts et culture

Définir ce qui manque en Afrique… et ailleurs

Plaidoyer pour l’Ubuntu de Melchior Mbonimpa. — Image : Courtoisie
Plaidoyer pour l’Ubuntu de Melchior Mbonimpa.
Image : Courtoisie
Mois de l’histoire des Noirs — L’humanité, la façon d’être des êtres humains, a sa définition propre dans diverses parties du monde. Le nouvel essai de l’auteur Melchior Mbonimpa réfléchit à cette définition pour l’Afrique sous-équatoriale. Plaidoyer pour l’Ubuntu est un recueil de textes écrits par l’auteur sudburois au cours des dernières années.

Au début de la pandémie, M. Mbonimpa s’est retrouvé «stérile» d’inspiration; «je ne parvenais pas à produire quoi que ce soit». Il en a profité pour fouiller dans ses archives pour réaliser un vieux rêve de réunir plusieurs courts textes qu’il avait écrits à la suite de demandes spéciales.

Les textes présentent deux mentors de M. Mbonimpa et une série de réflexions, surtout autour de l’Afrique des Grands Lacs. Le concept de l’Ubuntu n’est pas au centre de tous les textes, mais il en est le fil conducteur.

L’Ubuntu est un terme issu des langues bantoues. «Un mot qui signifie humanité, humanisme, bonté, générosité, honnêteté, courage… Une sorte de condensé de la vertu», explique Melchior Mbonimpa. Dans son deuxième texte, il décortique sa signification, sa presque disparition et ce qu’il doit signifier pour l’Afrique.

Melchior Mbonimpa

Photo : Archives

«Il y a un déficit de ce que désigne ce terme en Afrique. Je suis extrêmement critique dans beaucoup de textes sur ce qui se passe en Afrique», dit-il. Un déficit qui existe ailleurs, mais l’auteur tenait à se concentrer sur son territoire de naissance. «Je prends ça comme une mission. Mais j’espère que d’autres que moi vont s’occuper des autres territoires.»

Il y a par exemple un chapitre sur la littérature et la culture politique en Afrique. Les romans sont devenus un outil de contestation dans les dictatures africaines, puisqu’ils permettent de décrire une situation injuste réelle sous le couvert de la fiction. «C’est l’une des ruses que les Africains ont trouvées pour se défendre contre les atrocités de la dictature. C’est une des façons de défendre l’Ubuntu.»

Son choix de maison d’édition est aussi un geste politique en soi. «Cette fois-ci, j’ai voulu collaborer avec une maison d’édition du tiers monde. [Les Éditions Iwacu], c’est le neveu de l’un de ces modèles dont je parle. C’est un homme courageux qui, dans le contexte de mon pays (le Burundi), prend des risques. C’est une manière de soutenir quelqu’un qui n’est pas dans ma caste, étant donné que j’ai un nom connu dans mon pays d’origine. Je crois que j’ai une certaine crédibilité. Nous avons besoin de gens qui osent et prennent des risques.»

À la retraite

Melchior Mbonimpa est professeur émérite de l’Université de Sudbury. Il se compte plus chanceux que bien d’autres : il avait annoncé sa retraite plusieurs mois avant la dissolution de la Fédération de l’Université Laurentienne, qui a aussi forcé l’Université de Sudbury à mettre son personnel à pied. Malgré tout, «je n’ai pas eu l’entrée à la retraite que je souhaitais. Ça a été catastrophique». 

Il préfère éviter de parler de l’Université Laurentienne, «parce que ça m’épuise». Considérant que le milieu universitaire canadien n’est pas en mode d’embauche, il juge que la Laurentienne a poussé ses professeurs dans le néant. «C’est quand même une situation inacceptable. Vous avez une université qui réagit et fonctionne comme une entreprise capitaliste sauvage… c’est bizarre. Dans un milieu qui devrait être régi par la culture, par l’intelligence.»

Il est beaucoup plus intéressé à parler du projet de son ancien employeur, auquel il «souhaite toutes les chances, même si j’ai tendance à voir tous les écueils et les obstacles» qu’ils devront affronter.