La députée néodémocrate de Nickel Belt et porte-parole de l’opposition en matière de santé, France Gélinas, et la politologue spécialiste de politique canadienne, Stéphanie Chouinard, s’attendent pour dire que tous les partis politiques vont accorder la priorité à la façon dont le gouvernement a géré la pandémie et débattre les prochaines étapes lors des prochaines élections.
«Je pense qu’on ne pourra pas s’en sortir. Dépendant où nous sommes en juin, ça pourrait jouer pour ou contre le gouvernement Ford», dit Mme Chouinard.
France Gélinas, premièrement élue en 2007, s’inquiète de l’état actuel de tous les aspects du système de soins de santé. Il y a entre autres eu plus d’un million de chirurgies ajoutées aux listes d’attente dans les hôpitaux de l’Ontario dans les derniers deux ans.
Il y a bien d’autres éléments à prendre en compte pour évaluer les difficultés que rencontre le système de santé. «Les professeurs disent qu’ils voient maintenant le début des effets de la pandémie sur la santé mentale de nos enfants. De plus, il y a eu des révélations aussi que notre système de soins de longue durée n’est pas ce qu’on s’attendait et qu’on a besoin d’améliorer la qualité des soins des personnes qui sont là ainsi que le respect envers eux», ajoute-t-elle.

La politologue spécialiste de politique canadienne, Stéphanie Chouinard
Même les temps d’attente dans les hôpitaux ont atteint des sommets inégalés. Elle mentionne Horizon Santé-Nord (HSN) à Sudbury qui a beaucoup de difficultés à fournir des soins de base à certains patients, car le personnel a de la difficulté à trouver de l’espace pour placer les patients.
«Voitures, voitures, voitures, autoroutes, autoroutes, autoroutes»
Selon les projections électorales du site 338Canada du 2 février, le gouvernement Ford sera réélu avec 34 % des voix. Ce score laisse présager la possibilité d’un gouvernement minoritaire, car les libéraux et les néodémocrates sont pratiquement à égalité avec 27 % des votes.
Stéphanie Chouinard n’est pas surprise par l’étroitesse du vote et s’attend à du mouvement de la gauche. «C’est certain qu’à la gauche il va avoir une espèce de coalition pour tenter de déloger le gouvernement», prévoit-elle.
La professeure agrégée au Département de science politique du Collège militaire royal du Canada pense qu’à ce stade, à en juger par son comportement et son enthousiasme pour les autoroutes et les voitures, le public cible de Doug Ford est évident. «C’est clair que M. Ford ne s’attend pas à faire des gains au centre-ville de Toronto et au centre-ville d’Ottawa, par exemple. Il va vraiment cibler les circonscriptions pivots dans les banlieues dans les régions riches en sièges où on aurait peut-être une chance de conserver des acquis ou de percer dans certains endroits», explique-t-elle.
Ces mêmes réflexions s’appliquent au Nord de l’Ontario. «Ce n’est pas vraiment sur son radar. Ce n’est pas vraiment un enjeu qui est à l’avant-plan pour lui. C’est vraiment un gars de la banlieue de Toronto et ça parait dans ses priorités», souligne-t-elle.
Une relation difficile
Elle note que le gouvernement de Doug Ford a eu du mal à obtenir le soutien des francophones pour quelques raisons clés. «C’est certain que c’est un mandat qui a commencé sur une très mauvaise note avec le jeudi noir. Ça a teinté pour la suite des choses la vision que les Franco-Ontariens allaient avoir de ce gouvernement-là», dit la politologue.
Donc, on a tenté à plusieurs égards de réparer les pots cassés. On a fait demi-tour sur la question de l’Université de l’Ontario français, on a corrigé le tir en partie à l’égard du Bureau du commissariat des services en français, bien que ce soit un bureau qui n’a pas retrouvé sa pleine indépendance.
Elle estime que le gouvernement a fait quelques bonnes choses. «On a vu un certain nombre de dossiers qui ont avancé. De plus, le bureau du premier ministre s’est équipé d’une conseillère en matière d’Affaires francophones, ce qui n’était pas le cas au début du mandat», souligne-t-elle.
En somme, elle mentionne que les francophones sont toujours une force qu’il ne fait pas oublier. «On s’est fait prendre par surprise, je pense, par le dynamise et l’organisation politique des Franco-Ontariens. Il y a eu une prise de conscience assez tôt dans le mandat que c’est un dossier à prendre au sérieux et que les Franco-Ontariens n’allaient pas laisser leurs services et acquis disparaitre sans un mot à dire. Cela dit, ça demeure un gouvernement avec lequel on doit constamment surveiller les acquis, je pense.»

La député France Gélinas
Le risque de la privatisation
L’ancienne directrice du Centre de santé communautaire du Grand Sudbury, France Gélinas, craint qu’un gouvernement Ford réélu ne privatise complètement le système de santé de l’Ontario.
«Ils pourront utiliser la crise que nous avons pour dire que le système public n’en peut plus et il faut aller au privé. Il y en aura beaucoup de personnes qui seront très contentes d’ouvrir des bureaux privés. Mais cela ne veut pas dire que ça ne serait pas toujours dans le meilleur intérêt du patient», souligne-t-elle.
«Il y a beaucoup de gens qui ont mis des solutions pour s’en sortir. Il faudra s’assurer qu’on a les ressources pour avoir les bonnes personnes aux bons endroits», souligne Mme Gélinas. La députée mentionne également qu’il faudra cibler des hausses de salaire pour certains emplois dans les services de soins de santé et offrir plus de sécurité d’emploi pour rassurer les employés. «Il a beaucoup de choses que le gouvernement peut faire pour améliorer tout ça.»
Elle n’était déjà pas du tout d’accord avec la gestion du système de santé par le gouvernement Ford avant et pendant la pandémie. «Par exemple, au début de leur mandat, le gouvernement a coupé plus de 100 millions $ dans la santé publique. Pour nous, les gens du Nord, on a eu tout à perdre par rapport à ça», dit-elle.
Elle souligne que la privatisation doit être repoussée de toutes parts en faisant valoir qu’un système qui n’est pas axé sur les profits pour les actionnaires permettra de mieux rémunérer les employés ainsi que d’offrir une plus grande sécurité d’emploi.
Problèmes dans les foyers de soins de longue durée
La physiothérapeute de formation fait valoir que les foyers ont de la difficulté à recruter du personnel en raison de ces facteurs.
En fait, l’état actuel des foyers de soins de longue durée est «probablement l’un des points où les membres de l’opposition auront le plus à gagner», dit Stéphanie Chouinard.
«Regarde ce qui est arrivé dans les maisons de soins de longue durée. Les paiements de dividendes ont presque quadruplé depuis le début de la pandémie parce que [les foyers ont] été capable de prendre de l’argent qui était réservé pour des couts reliés à la pandémie envers les propriétaires.»
France Gélinas affirme que le Nord ressent les effets de la privatisation dans ce secteur de manière importante. «À Nickel Belt, il y a plus de gens qui attendent pour des soins de longue durée qu’il y en a qui les reçoivent», dit-elle.