le Samedi 25 mars 2023
le Mercredi 13 avril 2022 16:15 Francophonie

Pétition pour plus de garderies francophones à SSM

Kellianne White et Julie Denise Gagnon — Photos : Courtoisie
Kellianne White et Julie Denise Gagnon
Photos : Courtoisie
Sault-Ste-Marie — Un projet scolaire de Kellianne White et Julie Denise Gagnon a pris un peu plus d’ampleur qu’attendu. La pétition «pour plus de programmes de garde d'enfants en français» à Sault-Ste-Marie des deux étudiantes du programme d’éducation en petite enfance de Sault College a reçu plus d’intérêt que prévu.

Pour leur cours Advocacy and leadership, elles devaient créer une véritable campagne de revendication. «Quand j’ai déménagé ici [en 6e année], je pouvais voir qu’il n’y avait pas beaucoup de choix pour la population française», dit Julie Denise Gagnon qui est née à Timmins. 

Elle a travaillé pendant deux semaines dans la seule garderie francophone de la ville l’été dernier et ce qu’elle y a appris l’a inspiré pour le sujet. La coordonnatrice, Suzanne Manson, les a aidé à recueillir de l’information.

Elles ont récolté 74 signatures en trois semaines, elles ne s’attendaient pas à en recevoir autant, ni à se faire interviewer par Le Voyageur.

Un service en demande

Childcare Algoma gère la seule garderie francophone de Sault-Ste-Marie dans des locaux de l’École Notre-Dame-du-Sault. La garderie peut accueillir 10 bambins (18 à 30 mois), 16 enfants d’âge préscolaire et 26 enfants dans son programme après l’école. Cependant, en raison du manque de personnel, elle peut en ce moment accueillir  seulement 5 bambins, 16 préscolaires et 13 enfants après l’école. La liste d’attente compte 48 noms, dont 34 sont des bambins.

«Parce qu’avec les bambins, le ratio est de cinq enfants par éducatrice — pour le préscolaire il est de un pour huit —, ça limite encore plus leur chance d’avoir une place», explique Julie Denise Gagnon. 

Le manque de personnel est tellement criant que la coordonnatrice de programme chez Childcare Algoma, Suzanne Manson, occupe deux postes. Elle coordonne son groupe de cinq garderies et est superviseure de la garderie francophone, qui compte quatre autres employés.

La gestion de la garderie francophone est un peu plus compliquée que les autres centres. Lorsque l’une des éducatrices est malade — journée pour laquelle elles ne sont pas payées d’ailleurs — il n’y a pas de remplaçante entièrement francophone. Mme Manson a réussi à trouver quelques dames qui connaissent un peu de français, mais ces jours-là se passent beaucoup plus en anglais pour le groupe.

Rendre le métier attrayant

«Le plus gros défi que j’ai, c’est de trouver du personnel qualifié qui parle en français qui veulent travailler en garderie», dit Suzanne Manson. 

Une de ses éducatrices a pris sa retraite l’an dernier et elle n’a pas encore pu la remplacer. Une autre parle de la retraite et même Mme Manson pourrait prendre la sienne dans trois ou quatre ans. Elle n’a personne en ce moment qui pourrait la remplacer.

Le salaire et les conditions de travail sont à la base du problème selon elles et les deux étudiantes. «C’est un domaine très exigeant physiquement et mentalement», mentionne Julie Denise Gagnon, qui a d’ailleurs décidé de se diriger vers l’enseignement.

«Tu es assis souvent par terre, tu vas dehors, tu portes des enfants, tu fais de l’éducation… Ça prend beaucoup d’amour. Il y a beaucoup de belles choses dans leur journée parce que tu as en retour autant d’amour que tu veux, mais c’est difficile», renchérit Mme Manson. Elle ne recommanderait quand même pas à ses enfants d’étudier dans le domaine en ce moment. 

Au-delà des salaires, Suzanne Manson mentionne le besoin de journées de maladies payées, «une petite pension peut-être, il faut regarder à tout».

La pandémie a été particulièrement difficile pour les éducatrices en garderie et, à Sault-Ste-Marie comme ailleurs, plusieurs ont quitté le domaine. «Quand tu sors de notre carrière et vas dans une autre, tu ne vas jamais revenir», illustre Mme Manson.

«C’est triste, parce qu’il y en a qui vont travailler au Tim Horton’s et elles font le même argent, mais moins de stress» et sans avoir besoin de faire du travail supplémentaire à la maison, lance-t-elle. 

La lueur d’espoir

L’entente signée entre le Canada et l’Ontario pour diminuer le cout des places en garderie donne à la fois de l’espoir et des inquiétudes aux deux étudiantes. Un prix plus bas sera bien accueilli par les parents, mais ça entrainera une augmentation des demandes pour des places et, donc, pour des éducatrices. «Je crois que ça va être difficile de rencontrer cette demande. Les listes d’attente vont devenir de plus en plus longues», prévoit Mme Gagnon.

«Je me demande si le cout de la garderie est plus bas, qu’est-ce que ça veut dire pour le salaire des éducatrices. Ce que j’entends dire des autres provinces qui le font, c’est que les éducatrices sont plus heureuses et sont mieux payées. J’ai hâte de voir ce que ça va donner pour nous», ajoute Kellianne White.

Suzanne Manson voit la lumière au bout du tunnel. «Je sais que le gouvernement va dans la bonne direction, mais ça va prendre une secousse avant que ce soit une carrière avec laquelle on peut survivre», dit Suzanne Manson.

Priser le bilinguisme et la formation flexible

«Comment une seule garderie peut préparer tous les enfants qui entreront dans les écoles de langues françaises et en immersion à Sault-Ste-Marie», demande Julie Denise Gagnon. Des places en garderie francophone permettent aux enfants d’acquérir le vocabulaire de base dont ils auront besoin, élabore-t-elle.

«J’ai vu le bénéfice d’être bilingue, enchaine Mme Gagnon. J’ai rapidement eu un contrat pour l’été jusqu’à ce que je parte pour l’université. Un contrat à temps plein.»

«Ce serait bien si les collèges offraient des cours en français aussi en petite enfance pour augmenter le nombre d’éducatrices bilingues», ajoute Kellianne White.

Julie Denise Gagnon signale qu’il n’y a pas assez d’éducatrices diplômées chaque année pour combler la pénurie. 

Susan Manson aimerait voir les collèges offrir plus de flexibilité pour la formation en éducation de la petite enfance. «Il y a beaucoup de jeunes mamans qui aimeraient bien retourner à l’école et suivre le cours.» 

Offrir des cours le soir et les fins de semaine et à distance lorsque c’est possible pourraient peut-être ouvrir la formation à une nouvelle clientèle. Peut-être même une façon de travailler en garderie tout en suivant la formation.