À Timmins, lorsqu’on a annoncé que la parade de juin n’aurait pas lieu faute de bénévoles, la communauté s’est manifestée : pas question d’annuler un tel évènement.
Le président de l’organisme Fierté Timmins Pride, Matthieu Villeneuve, estime que la parade, c’est un moment fort pour la communauté. «C’est la chance d’être vus», mais aussi de réitérer «que nous travaillons fort pour rendre le Nord plus accueillant».
Lente ouverture
À Timmins et à Nipissing Ouest, des trottoirs ont été peints aux couleurs de l’arc-en-ciel, symbole 2SLGBTQ+. La réponse a été très positive à Timmins, mais pas à Nipissing Ouest, où il y a eu du vandalisme. Comme la peinture du trottoir s’est effacée, West Nipissing Pride a opté pour une murale signée Tracy DeCaen. «Je suis content qu’on ait ça au lieu de causer de la controverse avec un trottoir», commente le président de l’organisme, Michel Gervais.
Malgré ce différend, il semble que l’acceptation et l’accueil fassent leur chemin. «J’ai remarqué que la conversation change depuis les débuts de Fierté Nipissing Ouest. Les choses commencent à changer. Tranquillement», reconnait Michel Gervais.
Le rapport de Fierté Timmins Pride :
- 84 répondants des régions de Timiskaming et Cochrane
- 72 % de Timminois
- 61 % parlant le français
- 23 % trans, non binaire ou fluide
- 50 % ont vécu des moments de détresse psychologique pendant la COVID

La directrice du Conseil des Arts de Hearst, Valérie Picard.
Un changement porté par le temps
De Hearst, Valérie Picard a observé que «l’Ontario français a été d’une certaine façon pendant un temps. Si on veut avoir des jeunes [dans le Nord], il faut [aller à leur rencontre]. Il faut changer.»
«C’est plus les personnes plus âgées qui disent : “est-ce qu’on a vraiment besoin d’une parade pour ça?”, a remarqué Sylvie Martin. Les enfants, les adolescents, ça [ne] les dérange absolument pas.»
Sous l’impulsion de Sylvie Martin, Hearst a connu une première parade de la fierté en 2019. L’expérience a été positive; une centaine de personnes y ont participé. Un retour est d’ailleurs prévu dans le cadre du 100e de la Ville, en 2022 ou 2023.

Hearst aura son premier Cabaret Queer cette année.
Il faut qu’on se le dise, il n’y a pas grand-chose pour la communauté queer dans les communautés du Nord

Zakary Bolduc, 18 ans, se fera drag queen en public pour la toute première fois lors du Cabaret Queer de Hearst, les 10 et 11 juin. «J’ai tellement hâte», dit-il
Zakary Bolduc, membre du comité organisateur du premier Cabaret Queer présenté par le Conseil des Arts de Hearst les 10 et 11 juin, en sait quelque chose. Outre cette soirée cabaret, «il n’y a rien, laisse-t-il tomber. Le plus près que je peux penser, c’est à Sudbury, puis c’est à 6 h d’ici.»
De la parole au geste
La cause touche de près Valérie Picard, directrice du Conseil des arts de Hearst. Dans les années 1990, un ami d’enfance a été agressé verbalement et physiquement à cause de son homosexualité pleinement assumée.
«Hearst, comme plusieurs petites communautés, n’était pas très accueillante pour les personnes homosexuelles dans les années 1980, 1990, même 2000. Il y avait très peu de personnes qui pouvaient être eux-mêmes.»
Paul Otto est décédé peu après avoir proposé à son amie de présenter un spectacle de drag queens à la Place des Arts de Hearst. C’est ce spectacle qui sera présenté les 10 et 11 juin.
Zakary Bolduc a vraiment hâte à ce moment, la première fois où il se transformera en drag queen en public.
«Je crois que c’est le moment opportun de faire des évènements comme ça», plaide Valérie Picard. «Ça prend des choses visibles pour que les gens voient qu’on veut célébrer la diversité, que ce soit culturelle ou de genre», poursuit-elle. Ça devient une question de développement communautaire.
C’est que se dire accueillant ne suffit plus, croit Valérie Picard. «On ne peut pas juste mettre un drapeau de pride devant l’hôtel de ville et dire qu’on a fait notre job.»
Des besoins criants
Son opinion rejoint les conclusions d’un rapport dévoilé il y a quelques mois par Fierté Timmins Pride : la fierté 2SLGBTQ+ doit se vivre bien au-delà du mois de juin, mois de la fierté.
Mais il faut aller plus loin que les évènements publics, selon le rapport. Dans les régions de Timiskaming et de Porcupine, sondées par Fierté Timmins Pride, «la communauté veut voir plus de soutien en santé mentale et avoir plus de ressources pour les personnes qui sont transgenres», relève Matthieu Villeneuve.
Parmi les recommandations du rapport, il y a la création d’un service régional 2SLGBTQ+, une sensibilisation accrue dans les services policiers et de santé physique et mentale ainsi que l’intégration des membres de la communauté à la gouvernance des établissements publics et les divers comités.
«Il n’y a pas d’espaces où [la communauté 2SLGBTQ+] peut aller et se sentir à 100 % soi-même, sans se faire juger», selon Sylvie Martin.
«Il faut se demander comment nos choix influencent la perception des gens et le développement de la communauté, parce que ça a une incidence, conclut Valérie Picard. Il faut sortir de notre coquille.»