le Mercredi 27 septembre 2023
le Jeudi 24 août 2023 11:00 Économie et finances

Une nouvelle façon de sauver de la nourriture et la planète

Le contenu d’un sac à surprise commandé dans une épicerie de Sudbury avec l’application Too good to go. — Photo : Julien Cayouette
Le contenu d’un sac à surprise commandé dans une épicerie de Sudbury avec l’application Too good to go.
Photo : Julien Cayouette
Sudbury — L’application Too good to go vient de s’implanter à Sudbury. Elle s’attaque à sa façon au problème du gaspillage alimentaire au niveau des commerçants dans l’espoir de diminuer les 35,5 millions de tonnes de nourriture perdues ou gaspillées au Canada chaque année.
Une nouvelle façon de sauver de la nourriture et la planète
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Le Grand Sudbury est la première ville nord-ontarienne qui a accès à Too good to go, mais l’entreprise espère éventuellement s’implanter à North Bay, Timmins, Sault-Ste-Marie, Thunder Bay et ailleurs.

Créée en France et au Danemark en 2016, l’application pour téléphone intelligent permet principalement à des commerçants d’écouler de la nourriture qui est à la fin de sa fraicheur optimale afin d’éviter qu’elle ne se retrouve au dépotoir. Les consommateurs, de leur côté, l’obtiennent à prix réduit.

L’interface de l’application Too good to go.

Photo : Capture d’écran

Ce que le consommateur obtient, c’est un «sac surprise» de produits non vendus. On ne sait pas exactement ce que l’on obtiendra. Ce concept simplifie la vie au commerçant, qui n’a pas besoin de faire un inventaire de ce qu’il mettra dans les sacs, surtout qu’il ne sait pas à l’avance ce qu’il aura de disponible à la fin de la journée. 

Le commerçant a aussi de la flexibilité, car si sa journée a été plus profitable que prévu, il peut annuler les commandes. Après tout, le but ultime de l’application est qu’il ne reste pas de nourriture invendue.

Pour l’instant, à Sudbury, il y des épiceries, des épiceries fines et des petits restaurants. «On essaie d’avoir cette variété là pour représenter la scène culinaire de chacune des villes et aussi pour montrer que le principe fonctionne pour tout type de commerce», explique M. Dot. À moyen terme, des commerces devraient s’ajouter.

Too good to go est disponible dans 15 pays européens, au Canada depuis 2021 et aux États-Unis. «Elle a été lancée à Toronto et, maintenant, nous sommes présents d’un océan à l’autre dans une quinzaine de grandes villes canadiennes», note le gestionnaire des relations publiques, Nicolas Dot. 

Avant d’être lancée, une équipe de Too good to go visite la ville visée afin de rencontrer des marchands pour la plateforme locale. M. Dot indique que la réception initiale dans le Grand Sudbury est comparable à celle des autres villes où ils l’ont introduite.

Qui sauve le plus?

À première vue, Too good to go semble offrir plus d’avantages aux commerçants : moins de déchets, un peu plus d’argent au lieu d’une perte. Du côté des consommateurs, il y a un rabais relatif et un effet de surprise qui rappelle celui des sacs à surprise remplis de bonbons de notre jeunesse. Il y a aussi, un peu, le sentiment d’avoir fait une bonne action. 

Une surprise peut être agréable ou désagréable. Peut-être que vous n’aimerez pas tout ce qu’il y a dans le sac, mais peut-être que vous découvrirez un nouveau dessert. Néanmoins, il reste que le sac est rempli de produits que vous n’auriez normalement peut-être pas achetés. Est-ce que vous allez consommer votre commande en entier?

«Selon nos sondages en Europe, 95 % des contenus des sacs surprises sont mangés. C’est assez satisfaisant de voir cette volonté de manger de la nourriture et de la consommer entièrement», dit Nicolas Dot. 

Selon lui, 2,3 millions de paniers surprises ont été «sauvés» par les Canadiens depuis le lancement de l’application au pays, dont la moitié en Ontario. On Ontario, une famille moyenne gaspille environ 2000 $ par année en nourriture non consommée.

L’effet pervers des dates de péremption

Les «dates de péremption», «dates d’expiration» ou «meilleur avant…» ne veulent pas dire que le produit n’est plus bon à consommer. Cette date indique seulement la fin de la période pendant laquelle le produit est à sa qualité ou sa fraicheur maximale.

De plus, dès que vous ouvrez son contenant, le temps de conservation change. 

Yogourt, fromage, autres produits laitiers, viande salée ou fumée et jus peuvent être encore bons à la consommation quelques jours après la date indiquée, surtout s’ils n’avaient pas encore été ouverts. 

Pour les pains et produits de boulangeries, il faut les inspecter. Si vous voyez de la moisissure, il faut jeter le contenu du sac au complet.

Le site https://lovefoodhatewaste.ca/fr/ contient un Guide de conservation pour un grand nombre d’aliments.

Ne manquez rien de ce que nous publions sur le site.

Le Voyageur offre une vue d’ensemble de la francophonie et de la vie dans le Nord-Est de l’Ontario.

L’enjeu environnemental

Les chiffres varient selon les organisations, mais on estime que de 17 % à 30 % de la nourriture produite sur la planète est gaspillée chaque année. Une partie est perdue dans les champs, une autre chez les commerçants, mais la plus grande partie est gaspillée par les consommateurs.

Les problèmes créés par le gaspillage dépassent le simple espace que prennent ces déchets dans les dépotoirs. De 8 à 10 % des émissions de carbone de la planète sont reliés aux produits alimentaires non consommés, selon l’Organisation des Nations Unies.

Dans les sites d’enfouissement, les produits organiques qui se décomposent dégagent du méthane, un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2. 

Ajoutez à cela qu’un tiers de la population mondiale n’a pas accès à assez de nourriture à longueur d’année et pourrait profiter de ce qui est inutilisé par les pays riches.

Un test rapide

L’application est facile à utiliser. Après avoir créé votre compte, vous devrez rechercher votre ville — qui peut être changée si jamais vous visitez une autre ville. Vous verrez ensuite une liste des commerces qui ont des sacs disponibles ainsi que ceux qui ont déjà tout vendu ou qui n’ont rien affiché aujourd’hui. 

Si un des sacs vous intéresse, vous le sélectionnez — ce qui se fait rapidement puisqu’il n’y a pas d’autres choix à faire — et vous le payez dans l’application (carte de crédit, PayPal, etc.). Vous allez plus tard le récupérer dans la plage horaire indiquée dès le départ. 

Lors de notre essai de l’application, la récupération a été simple. L’employé à la boulangerie de l’épicerie que nous avons visité était au courant. En lui montrant notre commande sur notre téléphone, nous avons  immédiatement reçu le sac. 

Le sac en question contenait quatre produits (voir la photo) qui auraient normalement couté 18 $; obtenu au cout de 7 $. Leurs dates de péremption étaient tous le jour même, mais ils étaient encore bons pour la consommation (voir l’encadré). Des quatre produits, seul un des pains pita qui était resté dans son sac plus longtemps a eu des traces de moisissures deux jours plus tard. Comme dans le sondage européen mentionné par Nicolas Dot, environ 95 % du contenu du sac a été consommé sans difficulté.

Pour l’instant, le nombre de sacs disponibles chaque jour à Sudbury est limité. Il faut aussi regarder régulièrement, parce que les commerçants n’ont pas les mêmes heures d’ouverture et n’affichent pas tous à la même heure.