L’Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens (AEFO) a reçu un financement de 1,1 million $, sur une période de trois ans, de la part du ministère Patrimoine canadien dans le cadre de la stratégie nationale pour le recrutement et la rétention du personnel enseignant dans les écoles de langue française en contexte minoritaire.
Le projet intitulé L’accueil et l’intégration pour favoriser la rétention du nouveau personnel enseignant issu de l’immigration récente vise à répondre aux changements démographiques qui s’opèrent au sein du personnel enseignant.
L’initiative comprend deux axes distincts. Le premier porte sur l’accueil des enseignants issus de l’immigration par l’entremise de contacts avec les directions d’écoles et des membres du personnel enseignant.
«Ces derniers jouent un rôle de mentor ou accueillent des stagiaires aptes à travailler dans un contexte interculturel afin de mieux répondre aux besoins spécifiques des nouveaux membres du personnel enseignant issus de l’immigration», explique la présidente de l’AEFO, Anne Vinet-Roy.
Le second volet, quant à lui, porte sur l’intégration des diplômés et diplômées des programmes de formation à l’enseignement qui n’ont pas été scolarisés au Canada. Le programme servira à les préparer à la réalité de l’enseignement dans les écoles de langue française en contexte minoritaire.
«Nous travaillerons étroitement avec des membres chevronnés qui ont vécu ce passage afin de transmettre aux nouveaux venus des conseils sur la réalité qui les attend, ajoute Anne Vinet-Roy. Le mandat de l’école de langue française et la construction identitaire feront notamment partie des thèmes abordés, en plus, par exemple, de la relation école-famille et de la relation maitre-élève».
Une initiative interprovinciale
Le projet est réalisé en partenariat avec l’Association des directions et des directions adjointes des écoles franco-ontariennes (ADFO) et l’Association des éducatrices et éducateurs francophones du Manitoba (AÉFM), un organisme professionnel du Manitoba Teachers’ Society (MTS). L’AÉFM représente plus de 2000 membres francophones (personnel enseignant et directions d’école). L’objectif de cette collaboration est de donner une portée au projet qui va au-delà de l’Ontario.
L’AEFO, l’ADFO et l’AÉFM regroupent environ 70 % du personnel œuvrant en français comme langue première dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire au Canada. Pour la présidente de l’AEFO, les défis vécus par l’ensemble de ces organismes sont les mêmes, d’où la nécessité de porter un projet commun.
Pour la professeure et chercheuse à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, Phyllis Dalley, bien que l’initiative soit une véritable avancée, elle note qu’il y a un manque criant de diversité quant aux choix des partenaires dans le projet.
«L’AEFO aurait intérêt à inclure les organismes qui ont à leur tête des personnes qui ont vécu l’immigration, précise-t-elle. Il y en a plusieurs en Ontario qui travaillent au niveau de l’inclusion plutôt que de l’intégration de la population immigrante.»
Des défis qui persistent
Selon Phyllis Dalley, la construction identitaire et la gestion des classes ne sont pas les seuls défis auxquels font face les enseignants issus de l’immigration. Ces derniers sont aussi confrontés à la différence de l’idéologie scolaire et au rapport élèves-enseignant qui varie d’une société à l’autre.
«Dans de nombreux pays étrangers, l’idéologie scolaire est une perspective très pédagogique, décrit-elle. On se concentre sur le savoir et la transmission du savoir par le personnel enseignant […] Alors qu’en Amérique du Nord, ce que l’on cherche davantage, c’est d’avoir un rapport plus pragmatique. Les savoirs doivent être utiles pour que les élèves deviennent de bons travailleurs ou de bons citoyens, plutôt que pour enrichir leur culture générale.»
Pour elle, le meilleur moyen pour mener à bien cette initiative passe par la consultation du personnel immigrant déjà présent dans les écoles.
«Si on peut respecter la voix, la perspective, l’opinion de nos élèves, il serait vraiment important que l’on soit inclusif de la voix, de l’opinion et de la perspective du personnel enseignant d’origine immigrante qui est déjà dans les écoles, suggère-t-elle. C’est ce personnel qui est le mieux placé pour savoir ce dont ont besoin les enseignants et enseignantes qui viendront enseigner.»