le Dimanche 24 septembre 2023
le Jeudi 13 janvier 2022 21:05 Éducation

La première session «après» vue par les étudiants

  Photo : Archives Francopresse
Photo : Archives Francopresse
Université Laurentienne, session automne 2021
La première session «après» vue par les étudiants
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Pendant que la restructuration et les batailles judiciaires se poursuivent pour l’administration de l’Université Laurentienne, les étudiants tentent de continuer leurs études. Certains voient peu d’impacts de la restructuration dans leur vie de tous les jours. D’autres se sentent oubliés. Et si ce n’était pas assez, la pandémie a complexifié la première session sur campus après les coupes massives dans les programmes et le personnel en avril 2021.

La solitude d’Elora Conrad

Photos : Courtoisie

Elora Conrad était assez avancée dans ses deux programmes pour rester à la Laurentienne pour sa dernière année. L’élimination du département de Mathématiques et la fin de la Fédération de l’Université Laurentienne lui donnent quand même «le sentiment d’être toute seule».

Elle a pris le temps pendant la première session après les coupes de visiter les anciens bureaux du département de Mathématiques. «J’étais sur le point de pleurer. Tous les bureaux étaient vides et je ne savais pas comment réagir.»

Elle est inscrite à la majeure en Sciences actuarielles, qui était offerte par le département de Mathématiques qui a été éliminé, et en Ancient Studies à l’Université Thornloe, qui n’offre plus de cours et qui ne serait, de toute façon, plus reconnue par la Laurentienne.

«Je vois mes amis qui ont accès à des membres de leur département pour des questions, pour de l’aide, et moi je n’ai pas cette chance-là. C’est très frustrant. J’aimerais ça aller voir mes professeurs pour leur expliquer ce que je vis et avoir du support émotionnel ou autre. Et je n’ai pas ça.» Une expérience loin de ce qu’elle a connu pendant ses trois premières années universitaires.

Elora Conrad est heureuse en rétrospective d’avoir suivi des cours pendant les sessions d’été. Il lui manquait seulement un cours dans chacun de ses programmes et elle a pu trouver des remplacements qui lui ont permis de rester à Sudbury. «Je sais que du monde qui ont pris la spécialisation en Actuarial sciences ont dû changer d’université complètement à cause qu’ils n’offraient plus les cours nécessaires.»

Par contre, choisir les cours optionnels qui lui manquaient n’a pas été facile, surtout en raison de la petite quantité de cours offerts. Elle a trouvé un cours d’histoire, mais le format est complètement différent de ce qu’elle a connu dans Ancient Studies. «J’ai eu de la difficulté à m’ajuster.» 

«Je connais beaucoup d’étudiants en première année qui entrent et que leurs options pour des cours au choix c’est comptabilité et biologie… Ce ne sont pas des cours que tu veux suivre en option», fait-elle remarquer. 

«On arrive à un an de la [Loi sur les arrangements des créanciers avec les compagnies] et je ne veux pas qu’on oublie. Il y a encore des étudiants qui souffrent tous les jours. Il y en a qui souffrent parce que l’université embauche des professeurs pour livrer les cours pour lesquels les professeurs [originaux] ont été renvoyés. Ce sont des professeurs qui ne devraient pas enseigner ces cours-là.»

Les promesses déçues de Soren Howald

Pour l’étudiant en première année en Mechanical engineering, Soren Howald, la pandémie plus que la restructuration a chamboulé ses plans d’études. Soren a subi une blessure au cerveau il y a maintenant quelques années et suivre des cours en ligne est très difficile pour lui. Il s’était inscrit pour la rentrée de septembre avec la promesse que la majorité de ses cours seraient sur campus.

Finalement, il a eu deux cours sur campus et deux cours en ligne. Mais comme ils avaient des cours dans les deux modes certains jours avec à peine 10 minutes de pause entre les deux, il devait passer ces journées à l’université avec «un internet pas très bon». 

«Je crois parce qu’ils ont donné le choix aux professeurs» d’offrir leur cours en personne ou en ligne, dit-il tout en sachant qu’ils font de leur mieux. Mais en plus d’avoir la matière à apprendre, chaque professeur a son système en ligne qu’il a dû maitriser aussi. 

Il donne l’exemple du cours Applied Mechanics, «qui est un des cours les plus difficiles en première année. C’est encore plus difficile en ligne parce que c’est plus abstrait. C’est quelque chose qu’on a jamais fait [à l’école]». 

Conséquence de tout cela : il a malheureusement échoué deux cours; un entièrement en ligne et l’autre mixte. «J’aurais eu plus de chance [pour un de ces cours] s’il avait été offert en personne.»

Avec le variant Omicron qui sévit, au moins les premières semaines de la session d’hiver seront en ligne. «Je n’ai pas hâte de faire ça», dit Soren Howald.

La restructuration l’a quand même privé de cours en français. Avant les coupes, le cours Mechanical engineering aurait été disponible, par exemple. «Tous les cours de génie n’existent plus en français.» Certains cours de mathématiques et de physique sont encore offerts en français, dit-il.

L’adaptation de François Léveillé

«Je suis quand même bien placé pour comparer mon expérience universitaire pré et post COVID», commente l’étudiant en 1re année B. Cons. Éducation, François Léveillé.

«D’abord, pour avoir également effectué un an d’étude en mode virtuel via Zoom, je concède que mon expérience en présentiel du premier semestre fut remarquablement meilleure, principalement en raison des interactions entre élèves et étudiant en personne. De nature, nous sommes des êtres sociaux et nous avons besoin de rencontrer et d’échanger avec les gens dans le monde réel, de ressentir la chaleur humaine et de vivre une connexion tangible», explique celui qui détient un baccalauréat en Kinésiologie. 

Le virtuel, à mon avis, c’est comme une roue de secours, ça dépanne, mais ce n’est pas une solution viable. Donc, malgré la rareté d’activités disponibles et l’imposition de règles sanitaires strictes à suivre, j’ai personnellement trouvé que les rapprochements entre camarades de classe et la capacité de profiter des services sur le campus justifiaient la livraison des cours en présentiel. 

«Évidemment, je m’ennuie du temps où nous pouvions sortir sans nous soucier d’avoir son masque dans ses poches, où il était possible d’avoir des invités en résidence et où les rassemblements n’étaient pas limités à un nombre précis. Toutefois, en dépit de tous les inconvénients, je demeure reconnaissant de tous les efforts qui ont été déployés afin que nous puissions poursuivre nos études en ce temps de pandémie. Bref, que l’on le veuille ou non, nous, les étudiants universitaires COVID-19, se sont vu ajouter à notre formation une majeure en résilience et une mineure en persévérance.»

Des disparitions pour Ryllie Tryon 

«Le semestre dernier a été très difficile. Toutes les coupes budgétaires ont rendu très difficile de trouver des cours qui m’intéressaient et de trouver les cours dont j’ai besoin pour obtenir mon diplôme au printemps. J’avais contacté mon doyen dans l’espoir d’obtenir une lettre d’autorisation pour suivre les cours qui m’intéressaient dans un autre établissement, mais je n’ai pas obtenu cette lettre et mes notes en ont souffert. C’était extrêmement difficile de suivre des cours qui ne m’intéressaient pas et pour lesquels je n’avais aucune connaissance de base», raconte l’étudiante en 4e année dans le programme Crimonology.

«Quant à ma vie quotidienne, elle a radicalement changé depuis que toutes les coupes ont été faites. Ils ont non seulement supprimé le programme [d’Indigenous studies à l’Université de Sudbury] dans lequel j’étais inscrite, mais ils se sont également débarrassés de mon équipe de natation. Cette année, c’était la première année depuis la maternelle que je n’avais pas à concilier la natation et l’école, ce qui a été extrêmement difficile mentalement pour moi. Toutes les coupes qui ont été faites et les grands secrets que tient l’établissement ont rendu cette année académique extrêmement difficile et je suis sure que je ne suis pas la seule étudiante qui se sent comme ça.»

Les différences vues par Mohammed El Mendri

Mohammed El Mendri est étudiant en 3e année au programme de Droit et Justice. Pour lui, la session d’automne 2021 s’est distinguée de toute l’année scolaire précédente. 

«Pendant la session d’automne, il y a eu retour au campus pour certains cours. On était content de retrouver nos camarades et nos professeurs — du moins ceux qui avaient survécu à la fameuse coupe de professeurs et de programmes. Mais, même si on était sur le campus en présentiel, l’université semblait vide. Par rapport par exemple à 2019. Le campus était déserté.»

L’étudiant souligne aussi que la première session a été caractérisée par la petite quantité de choix de cours. «Nous avons remarqué qu’une bonne partie des cours n’étaient pas disponibles. Il y a des cours qu’on aurait aimé choisir, mais ils n’étaient pas programmés. Cela est le résultat de coupures. Il y a des professeurs qui ont été coupés dans des programmes qui n’ont pas été coupés.»

Il a aussi relevé par que la propreté était à désirer dans certains lieux publics sur le campus. Probablement dû au nombre insuffisant du personnel autre que celui académique.

Avec la pandémie et le virtuel qui se développe, Mohammed El Mendri croit que les étudiants devraient visiter le campus au minimum. «Il y a certes des programmes qui exigent le laboratoire, mais dans le contexte actuel, il faut préserver la protection des étudiants, en évitant de les mettre à risque», recommande-t-il.

La perte de programme de Justine Mility

Justine Mility était inscrite au programme Études journalistiques de l’Université de Sudbury. Après la dissolution de la Fédération de l’Université Laurentienne, elle a dû passer à la Laurentienne sans les cours dont elle avait besoin. «On m’ a aidé à poursuivre mon programme, mais la plupart des cours qu’on me donne sont plus liés à la littérature qu’au journalisme», relève-t-elle.