Pertinence de la LACC, financement, prochaine étape, engagement… plusieurs questions restent en suspens après un an d’insolvabilité et de restructuration de l’Université Laurentienne. Pour marquer le triste anniversaire et faire le point sur l’impact des répercussions sur la communauté francophone, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario a organisé deux rencontres avec la francophonie sudburoise et du Nord.
La première activité, le 31 janvier, était une séance de questions et de réponses entre le public d’une cinquantaine de personnes sur Zoom et Facebook, le président de l’AFO Carole Jolin et le recteur de l’Université de Sudbury, Serge Miville.
Les détails sur les progrès des négociations avec le gouvernement provincial ont été sommaires. Serge Miville confirme quand même que des rencontres avec la ministre fédérale des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, et la ministre ontarienne des Collèges et Universités, Jill Dunlop, ont eu lieu.
Le recteur a également laissé filtrer que quatre programmes étaient planifiés pour une éventuelle ouverture.
Pressé par deux membres de la Coalition nord-ontarienne pour une université de langue française, MM. Miville et Jolin ont affirmé que leur discours auprès des instances gouvernementales mettaient toujours de l’avant l’urgence de la situation pour prévenir l’exode des jeunes et que la «transition» des programmes en français de la Laurentienne vers l’UdeS étaient nécessaires.
Quand les francophones s’occupent de leurs propres choses, ça a toujours fonctionné, affirment-ils chacun à leur façon.
Les mystères de la LACC
Le 1er février, c’était au tour d’un panel d’universitaires et d’un autre de Sudburois engagés.
Pour la professeure du Campus Saint-Jean en Alberta et vice-présidente de l’Acfas-Alberta, Valérie Lapointe-Gagnon, le modèle de financement néolibéral — moins de financement public, plus de privé — crée des problèmes d’indépendance académiques et de viabilité pour les petits campus.
Les indicateurs de performance utilisés par les gouvernements, par exemple ceux mis en place par le gouvernement de Doug Ford, ont aussi des effets néfastes qui désavantages les sciences humaines, pourtant tout aussi importantes à l’avancement de la société. «Quand on coupe ces programmes-là, c’est un peu l’âme de la communauté que l’on vient amputer.»
Les universités francophones en milieu minoritaire doivent justement jouer ce rôle en plus de celui de protéger la langue. «C’est dans les espaces unilingues que la langue française peut s’affirmer», dit Mme Lapointe-Gagnon. Les bulles francophones doivent exister pour préserver la langue. De plus, ce sont principalement ces universités qui permettent de remettre en question l’unilinguisme anglophone.
Dans sa présentation sur la création de l’Université Laurentienne, le professeur titulaire d’histoire franco-ontarienne à l’Université d’Ottawa et professeur associé à l’Université de Sudbury, Michel Bock, a rappelé qu’à son ouverture, l’Université Laurentienne comptait 52 % d’étudiants francophones. Dix ans plus tard, ils n’étaient plus que 12 %.
L’avocat et professeur de common law français à l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche, Droits et enjeux linguistiques de l’Université d’Ottawa, François Larocque, cherche encore une réponse au mystère de la Loi sur les arrangements des créanciers des compagnies (LACC). «Le fait qu’une institution publique, financée par le provincial, ait pu invoquer un mécanisme fédéral qui a été conçu pour des entreprises soulève beaucoup de questions.»
Un mécanisme «insuffisant et inapproprié», ajoute-t-il, pour bien prendre en compte les ramifications d’une université dans sa communauté.
De l’avis de Me Larocque, «la Laurentienne a abdiqué ses responsabilités linguistiques» en faisant entièrement son appel à la LACC en anglais — dans un système de tribunaux bilingues — et sans une seule fois mentionner le mot «French» ou sa responsabilité face à la Loi sur les services en français.

Une communauté en lambeau
La directrice de l’ACFO du grand Sudbury et membre de la Coalition nord-ontarienne pour une université de langue française, Joanne Gervais, a profité de l’occasion pour annoncer la création d’un comité d’expertise pour appuyer la réflexion de l’Université de Sudbury.
Le rédacteur en chef de L’Orignal Déchaîné et étudiants de la Laurentienne, Philippe Mathieu, était en quelque sorte le porte-parole de la jeunesse étudiante. (NDLR : Philippe Mathieu est également journaliste pour Le Voyageur).
Celui qui a obtenu un baccalauréat en musique regrette que tant d’argent ait été dépensé pour des nouveaux édifices pendant que les salles et instruments du programme de musique tombaient en décrépitudes.
Il est également inquiet du manque d’action de l’Association des étudiants francophones (AEF). «La pensée critique ne semble pas s’être déclenchée. On accepte trop facilement les explications de l’administration. Si les étudiants veulent s’exprimer, ils doivent le faire ailleurs qu’à travers les organismes de l’Université», avance-t-il.
Le journal étudiant pourrait être un exutoire, mais l’insécurité linguistique et le manque d’appui font qu’il est le seul journaliste.
Finalement, trois membres du Comité triculturel pour l’éducation universitaire à Sudbury sont revenus sur le manque de respect de l’administration de la Laurentienne pour les cultures francophones et des Premières Nations.
L’ancien professeur Thierry Bissonnette n’accepte de pas que ce soit «des gens de l’extérieur» — le recteur et la vice-rectrice — qui sont venus démolir l’Université sexagénaire, sans prendre en compte la communauté. «Des décisions qui ont miné la recherche et la réflexion critique.»