Le bilan environnemental du gouvernement de Doug Ford a été sévèrement critiqué par la vérificatrice générale de l’Ontario. Deux des observations de Bonnie Lysyk concernent le processus de consultation du public. Un ancien commissaire à l’environnement de l’Ontario, Gordon Miller, croit que l’esprit de la Charte des droits environnementaux n’est plus respecté en raison des changements imposés par les conservateurs à ce processus.
Lors d’un article concernant le lac Wolf au nord de Sudbury il y a quelques semaines, Le Voyageur relevait que deux demandes d’exploration minière autour du lac avaient reçu respectivement 234 et 490 commentaires. La grande majorité s’inquiétait de l’impact sur la plus vieille et plus grande forêt de pins rouges en Amérique et pour ce site canotage.
En explorant le Registre environnemental de l’Ontario (REO) — où 15 ministères doivent déposer les demandes qu’ils traitent — nous n’avons trouvé aucune autre demande de permis dans la région qui avait plus de 10 commentaires.
Si trop de gens s’inquiètent, une demande de permis peut-elle être refusée? Selon les règles du REO, non.
Dans les explications du processus de consultation, il est écrit : «Il est important de savoir que nous considérons que le contenu des commentaires est plus important que le nombre de commentaires que nous recevons».
Le nombre n’aurait donc aucune influence sur la prise de décision.
L’intention de la loi
Le commissaire à l’environnement de l’Ontario de 2000 à 2015, Gordon Miller, croit que cette interprétation ne respecte pas l’esprit de la Charte des droits environnementaux de 1993. «Ils doivent aussi reconnaitre ce que l’ensemble des commentaires dit et expliquer pourquoi ils choisissent de ne pas considérer, inclure ou changer la décision en raison des commentaires.»
La Charte a été écrite après de multiples consultations et l’intention, dit-il, était d’avoir une discussion continue avec le public sur l’environnement. La disparition du Commissariat à l’environnement et l’actuel processus mis en place par le gouvernement conservateur en avril 2019 mettent en péril l’application de cette intention.
En réponse à nos questions, le ministère du Développement, du Nord et des Mines précise : «S’il y a lieu, les préoccupations soulevées dans les commentaires peuvent être atténuées grâce aux modalités et conditions appliquées à un permis. Le ministère prend en considération tous les commentaires pertinents, y compris leur effet proposé sur les citoyennes et citoyens ontariens actuels et futurs. D’autres considérations comprennent les couts, les risques et les avantages sur le plan de l’environnement dans le cadre de la planification d’initiatives futures et veiller à ce que des protections environnementales rentables soient incorporées.»
Gordon Miller est cependant inquiet que la surveillance des décisions ne soit plus suffisante depuis l’abolition du Commissariat à l’environnement. Cet officier indépendant révisait chaque commentaire et s’assurait que la décision rendue les respectait, explique-t-il.
La responsabilité de la surveillance a été remise au Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario. Cependant, le rôle de cette entité est davantage de revenir sur les actions passées, pas de surveiller les opérations quotidiennes, telles que décrites par Gordon Miller.
«Il n’y a plus personne pour les défier ou pour les remettre sur le droit chemin, soutient M. Miller. Ils peuvent en dévier maintenant parce que s’ils choisissent d’ignorer les commentaires du public», personne n’est là pour vérifier s’ils les ont vraiment pris en considération.
Du côté du ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs, on affirme avoir une équipe en place pour passer en revue les commentaires lors du processus de l’attribution de permis : «Notre division de la conformité est dotée d’une équipe de professionnels dévoués». Mais, comme l’explique Gordon Miller, il n’y a plus de vérification comparative parallèle avec l’autorité d’exiger des révisions.
Sur le terrain, une fois le permis accordé et son détenteur en action, le ministère assure qu’il inspecte les opérations afin d’assurer leur conformité aux lois en vigueur et aux exigences du permis. «Le programme de conformité du ministère est offert par des agents provinciaux désignés (inspecteurs et enquêteurs) et le personnel de soutien scientifique et technique dans des bureaux à l’échelle de la province», répondent les porte-paroles du ministère.
Trop court, trop peu et encore moins
De façon plus générale, le Rapport sur l’environnement 2019 de la vérificatrice générale — qui a été publié en deux volumes — semble donner raison à Gordon Miller quant au non-respect de l’esprit de la loi. «Étant donné que la Charte des droits environnementaux est en vigueur depuis 26 ans, le degré de non-conformité des ministères est étonnant», déclare Bonnie Lysyk.
Dans son rapport, la vérificatrice générale souligne que «de nombreux avis de proposition affichés dans le Registre environnemental ne fournissaient pas tous les renseignements nécessaires pour que le public puisse bien comprendre la proposition et formuler des commentaires éclairés» (p.40).
Elle recommande aussi de prolonger la période de réception des commentaires au-delà des 30 jours actuels afin de donner plus de temps au public pour commenter les propositions.
Elle questionne aussi la décision du gouvernement Ford de suspendre les obligations de consultation pour accélérer certains projets pour la relance économique après pandémie. Elle estime que seulement 10 propositions étaient de nature urgente sur les 276 qui ont profité de cette suspension.
Avant le dépôt du rapport de la vérificatrice générale, les médias provinciaux rapportaient que le projet de loi omnibus pour mettre en place les mesures du budget contenait d’autres assouplissements de règles environnementales.
Ainsi, la protection des espèces en péril, l’autorité des 36 agences de protection de la nature et la promotion du développement d’énergie renouvelable ont toutes reculé. L’argument du gouvernement est que ces règles ralentiraient trop la reprise économique.
En partie rédigé à l’aide d’un texte d’Émilie Pelletier de l’Initiative de journalisme local — Le Droit.