Moderniser la Loi sur les langues officielles dans les plus brefs délais est l’enjeu au centre des préoccupations des organisations porte-paroles de la francophonie canadienne. Un projet de loi devrait absolument être déposé d’ici la fin de l’année, selon le président de la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA), Jean Johnson.
Francopresse s’est entretenu avec des représentants des organisations porte-paroles de la francophonie canadienne d’un bout à l’autre du pays pour discuter de leurs priorités quant à la rentrée parlementaire fédérale du 23 septembre.
Moderniser la LLO, un consensus
La modernisation de la Loi sur les langues officielles est LA priorité mentionnée par toutes les associations porte-paroles de la francophonie canadienne.
Le directeur général de la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador (FFTNL), Gaël Corbineau, indique qu’il s’agit de «la seule attente» qu’il ait pour la rentrée parlementaire fédérale.
«C’est l’enjeu principal pour les prochaines décennies. C’est tellement important qu’il n’y a pas d’autre sujet qui prévaut sur celui-ci […] C’est urgent qu’on modernise la Loi sur les langues officielles, ça fait 51 ans que la Loi est là, elle a grand besoin d’être modernisée. Elle a très peu été touchée et c’est une des lois les moins bien appliquées au pays. Donc, il est urgent d’améliorer cette loi», expose Gaël Corbineau.
La directrice générale de la Société Saint-Thomas-d’Aquin (SSTA) à l’Île-du-Prince-Édouard, Isabelle Dasylva-Gill, s’attend à ce que le gouvernement réitère son engagement à moderniser la Loi lors du discours du Trône, le 23 septembre. Une attente partagée par plusieurs intervenants contactés par Francopresse.
Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin, demande qu’un projet de loi à cet égard soit introduit d’ici la fin de 2020. «On estime que toutes les consultations qui pouvaient être faites ont été faites. La FCFA a travaillé pendant deux ans sur un document qui a été remis au gouvernement. Le comité sénatorial a soumis un dossier, le Commissaire [aux langues officielles] a soumis des recommandations. On estime que le travail de consultation est terminé. Maintenant, il est temps que la modernisation aille de l’avant, d’autant plus qu’on entend qu’il pourrait y avoir des élections d’ici 6 à 12 mois.»
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«Le travail est fait, la table est mise, il ne reste qu’à présenter un projet de loi», ajoute Jean Johnson, président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA).
Pour le président de la Société de la francophonie manitobaine (SFM), Christian Monnin, il est grand temps de mettre fin à cette situation de «jour de la marmotte», où les communautés francophones ne cessent d’attendre et d’entreprendre les mêmes démarches pour obtenir la modernisation de la Loi.

«Une Loi qui a des dents»
Les intervenants contactés par Francopresse soulignent tous les objectifs préconisés par la FCFA dans la modernisation de la Loi.
«Grosso modo, dit Carol Jolin, on veut une Loi qui a des dents», notamment en conférant le mandat d’appliquer la Loi sur les langues officielles à une agence centrale, comme le Conseil du trésor ou le Conseil privé.

Car Patrimoine canadien, qui est présentement responsable de l’application de la Loi, n’a pas de pouvoir contraignant sur les autres ministères, rappelle Gaël Corbineau de la FFTNL. «Il essaie de les convaincre, de les sensibiliser, mais il ne peut pas les obliger. Et ça, c’est un vrai problème, parce que la Loi mentionne que le mandat des langues officielles peut être exercé par le Conseil du trésor, donc plus haut dans l’organigramme.»
Pour la directrice générale de l’Association franco-yukonaise (AFY), Isabelle Salesse, ce mécanisme d’imputabilité s’avère essentiel, car présentement les francophones sont contraints d’aller en cour pour faire valoir leur cas. «On ne peut pas passer notre vie en cour, ça coute extrêmement cher, c’est extrêmement demandant, c’est beaucoup d’énergie, beaucoup de stress pour les individus», déplore-t-elle.
Plus de reddition de comptes des provinces
Gaël Corbineau mentionne aussi qu’il est essentiel d’inclure des protections pour les minorités linguistiques dans les ententes entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.
«Les processus de reddition de compte, dans les ententes actuelles, sont d’une opacité incroyable! Nous, on le vit particulièrement dans le domaine de l’éducation. Les transferts fédéraux en éducation dans le domaine de la langue seconde posent de vrais problèmes de reddition de comptes, de transparence. Qu’est-ce qui est fait de cet argent? À Terre-Neuve en particulier, ce n’est vraiment pas transparent.»
Pour le coordonnateur des relations gouvernementales et de la recherche à la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB), Christian Deron, ce type de clauses linguistiques est essentiel «parce qu’à chaque fois qu’un service est transféré du fédéral au provincial, la province n’en a cure [d’offrir des services en français]».
Il donne l’exemple des centres de service d’emploi, dont la gestion a été transférée du gouvernement fédéral à la province. La province, se voyant dans l’obligation d’offrir le service aux plus bas soumissionnaires, a accepté des propositions qui offraient le service en français avec Google Translate «parce que l’entente avec le fédéral stipulait que le service devait être offert en français, mais ne stipulait pas comment il devrait être offert», dénonce Christian Deron.
«Donc, on conforte les provinces un peu amorphes comme la nôtre de toujours aller au service minimum», ajoute le coordonnateur de la FFCB, sous prétexte qu’avoir un lien vers une traduction Google serait déjà mieux que rien.
Le dossier de la modernisation de la Loi sur les langues officielles est étudié depuis longtemps par le gouvernement ainsi que par les divers organismes liés à la francophonie canadienne. Si la pandémie peut avoir chamboulé l’échéancier prévu, les intervenants s’entendent pour dire que le gouvernement a tout en main pour procéder.