Les élus de l’Assemblée législative de l’Ontario ont offert aux Ontariens un spectacle rare et historique, jeudi : ils ont voté à l’unanimité pour demander au président de la chambre d’obliger les dirigeants de l’Université Laurentienne à partager des documents confidentiels avec la vérificatrice générale.
Il s’agit d’une résolution du Comité permanent des comptes publics, adoptée sans opposition, demandant au président de la Chambre, Ted Arnott, de rédiger un mandat de comparution pour forcer l’Université Laurentienne à remettre tous ses documents.
«Il n’y a plus d’autres options», a déploré le président du comité, le néodémocrate Taras Natyshak, en déposant la résolution.
Ce n’est que la troisième fois de l’histoire de l’Ontario que Queen’s Park adopte une telle motion.
La dernière fois, c’était en 2012, s’est souvenue la députée néodémocrate de Nickel Belt France Gélinas, rappelant que selon les exigences du président, quiconque refuse de se plier aux demandes du gouvernement est passible d’une peine de prison.
Refus de collaborer
Dans son rapport annuel publié la semaine dernière, la vérificatrice de l’Ontario Bonnie Lysyk a affirmé que les dirigeants de la Laurentienne avaient refusé de collaborer avec son bureau et de partager certains documents financiers de l’institution.
L’Université avait refusé les demandes de la VG, soutenant que les documents qu’elle exigeait n’étaient pas nécessaires à son enquête.
Jeudi, les élus de tous les principaux partis à Queen’s Park ont mis de côté la partisanerie et rassemblé leurs voix pour déplorer les agissements des dirigeants de la Laurentienne.
La classe politique ontarienne affirme avoir offert aux dirigeants de l’université d’innombrables opportunités pour expliquer la situation et pour justifier leur refus de collaborer. Les réponses n’ont jamais été satisfaisantes.
Dernière tentative
Mercredi soir, avant que la motion ne soit adoptée, les élus leur ont tendu la main, une dernière fois. «Même hier soir, la Laurentienne a continué de s’opposer au pouvoir de cette chambre», a déclaré jeudi le leadeur parlementaire, Paul Calandra.
«On a passé deux heures et demie à les questionner, a affirmé France Gélinas, en entrevue avec Le Droit. On a tout fait pour éviter le mandat de comparution, on a tout fait pour éviter ça, on leur a écrit, on leur a donné la chance de s’expliquer, on leur a dit de venir nous voir en personne. Rien n’a fonctionné.»
Paul Calandra n’a pas mâché ses mots pour déplorer l’obstruction que commettent les dirigeants de l’institution postsecondaire de Sudbury.
Il a tenu à lancer un message très clair au recteur, Robert Haché, et au président du conseil des gouverneurs, Claude Lacroix : «Dissuadez-vous immédiatement de toute impression que ce parlement se soumettra à vos tactiques. Votre manque total de respect pour le parlement et pour la population de l’Ontario est honteux et nous ne nous laisserons pas faire.»
La néodémocrate France Gélinas a du mal à s’expliquer la situation. «Je suis tellement triste. Je ne sais pas pourquoi la Laurentienne fait ça, tout ce qu’on veut, c’est de savoir ce qui s’est passé. […] On veut les aider, faire la lumière sur ce qu’il s’est passé, redonner confiance à la communauté. On fait tout pour les aider, mais ils ne collaborent pas du tout.»
Outil de dernier ressort
La motion adoptée jeudi à Queen’s Park est considérée comme un outil de dernier ressort. «C’est ce qu’on appelle le “privilège parlementaire”», note la politologue Geneviève Tellier.
Elle fait savoir que Queen’s Park ne fait pas souvent appel à cette façon de faire, puisque «c’est surtout une question de séparation des pouvoirs entre le législatif et le judiciaire».
L’avenir
La ministre des Collèges et Universités, Jill Dunlop, devrait faire connaitre son plan à la fin du processus de supervision judiciaire en vertu de la LACC, ce qui est pour l’instant prévu au début du mois de février 2022.
Jeudi, les députés à Queen’s Park ont poursuivi le plaidoyer pour une éducation postsecondaire dans la région de Sudbury, ce qui inclut également la survie des programmes anglophones à la Laurentienne.
Pour le député de Sudbury, Jamie West, dont la Laurentienne est l’Alma Mater, il est essentiel de découvrir ce qui s’est passé à la Laurentienne pour pouvoir y assurer un meilleur avenir.
«Il n’y en a pas 500, des universités à Sudbury, se désole France Gélinas. Ces profs-là, qui ont perdu leur emploi, ils ont vendu leur maison et ont déménagé de notre communauté. On a 600 étudiants qui ne peuvent pas être accommodés avec les programmes qu’il reste et la majorité sont restés chez eux. Leur désir, leur rêve d’avoir un diplôme est disparu avec leur université. Et ils ne sont pas capables d’aller à Toronto ou à Ottawa pour continuer leurs études.»