Pendant la Semaine de la Fierté, nous nous rappelons souvent le progrès qu’ont fait les personnes queers du monde et du Canada. Nous sommes fières de qui nous sommes, pouvons aimer qui nous aimons et exprimons ouvertement cet amour par le biais du mariage et la création de nos propres familles, avec progéniture arc-en-ciel. Même si certains groupes au sein de la communauté 2ELGBTQ+ se sentent finalement acceptés en société, celleux ayant des identités marginalisées intersectionnelles n’ont pas toustes la même chance.
Je n’ai jamais vraiment compris•e les habitudes quotidiennes des gens. Je me sens souvent comme si le monde autour de moi parle en code et qu’il s’énerve avec moi parce que je ne le comprends pas. Par exemple, en croisant une connaissance en épicerie qui te demande «Comment ça va?», elle s’attend à ce que tu répondes quelque chose d’inoffensif du genre «Ça va! Toi?» avant de rapidement poursuivre chacun•e ses emplettes. Elle ne s’attend jamais à ce que tu passes 15 minutes à lui expliquer ta journée en gros détail. Mais si elle ne veut pas vraiment le savoir, pourquoi est-ce qu’elle me l’a demandé?
Un autre code que je n’ai jamais compris, c’est le genre. J’ai respecté les règles quand je devais le faire; j’ai porté des robes, fait du patinage artistique, de la danse et de la gymnastique et joué avec des poupées (même si je préférais les casse-têtes.) Ce n’est que lorsque je suis arrivé•e à l’université en tant qu’adulte que j’ai reçu mon diagnostic d’autiste et que, d’un coup, des gros morceaux de mon enfance ont trouvé leur sens, une fois que j’ai pu outrepasser le stéréotype que toutes les personnes autistes sont des petits garçons qui tripent vraiment sur les trains.
C’est important de célébrer la neurodiversité dans la communauté queer. C’est un terme qu’utilisent les gens ayant un cerveau qui a une tendance à penser de façons différentes de ceux qui se considèrent neurotypiques, c’est-à-dire dont le cerveau opère de façons plus communes et normatives. On compte parmi les identités et diagnostics neurodiverses des différences cognitives comme l’autisme et le TDAH, les troubles d’apprentissage, les traumatismes crâniens et certaines maladies mentales. Nos cerveaux ne sont pas moindres ou bizarres; ils ne font qu’utiliser un différent système opérateur.
Les personnes neurodivergentes sont souvent intelligentes et très capables d’apprendre, de créer et de fonctionner en société si on leur offre les mécanismes et les outils pour le faire d’une façon qui correspond à leurs façons particulières de réfléchir et de faire. Par exemple, je réussis très bien à l’école, mais seulement lorsqu’on me donne des instructions très claires et un environnement de travail tranquille. C’est impossible pour moi de penser si j’entends le bourdonnement d’un ventilateur ou si je ressens l’étiquette de mon gilet dans le derrière du cou. J’avais très souvent soit parmi les meilleurs ou les pires notes de ma classe et très rarement étais-je dans la moyenne. Certains de mes enseignant•es pensaient que j’étais brilliant•e, tandis que d’autres pensaient que je n’étais pas assez intelligent•e pour finir mon secondaire; laisse-faire aller au postsecondaire. Malgré tout ça, je détiens un doctorat et je suis régulièrement chargé•e de cours au niveau universitaire.
Les statistiques nous démontrent qu’il y a une prévalence plus grande que ce à quoi on pourrait s’attendre de personnes neurodivergentes qui sont également diverses au niveau du genre; les personnes autistes sont deux à trois fois plus probables que leurs pairs non autistes d’être membres de la communauté 2ELGBTQ+. Une explication possible est que puisque les personnes neurodivergentes sont moins aptes à remarquer ou à accepter des normes sociales comme les comportements et les vêtements genrés. Avec un tel chevauchement, c’est encore plus important de créer des espaces queers qui sont adaptés aux sensibilités sensorielles des personnes neurodivergents, chose qui est difficile quand nos carrefours communautaires sont des boites de nuit.
Trop souvent, je me sens comme si je dois faire à nouveau mon coming out, que ce soit révéler mon identité de genre en utilisant mes pronoms, mon orientation sexuelle en parlant de ma famille et mon autisme en expliquant certains de mes comportements et mon processus mental à mes proches. Et je ne peux pas séparer la partie de moi qui est queer de celle qui est autiste; elles sont profondément interconnectées.
Ainsi, c’est difficile de distinguer et de différencier les discriminations auxquelles je suis assujetti•e en raison de mon orientation sexuelle, de mon identité de genre et de ma neurodivergence présumée. Pour moi, c’est la même chose. C’est à cause de ces intersections que naviguer des espaces queers peut souvent être très difficile pour moi et je sais que je ne suis pas seul•e; ça ne peut que devenir encore plus compliqué quand une personne neurodivergente est également racisée ou à une autre identité marginalisée. Nos organismes et entreprises ont du gros travail à faire s’ils veulent que leurs espaces soient véritablement inclusives.
Laur O’Gorman
Vice-président•e, Fierté Sudbury Pride