Le 4 juin 2021, lorsqu’il a comparu devant le Comité des langues officielles du gouvernement du Canada, le recteur de l’Université Laurentienne a été pris à partie par plusieurs intervenants, gouvernementaux et autres. L’un d’eux, de Sudbury, disait ne pas croire qu’à peine 10 % des étudiants de l’Université Laurentienne avaient été affectés par les coupures du début du mois d’avril dernier. Qui dit vrai? Tout dépend de la manière dont on entend l’expression «étudiants affectés».
Par exemple, on peut restreindre le nombre et le pourcentage des étudiants affectés par les coupures aux malheureux dont les programmes se sont envolés en fumée en avril, soit celles et ceux qui ne pourront plus étudier à l’Université Laurentienne dans la discipline qu’ils avaient choisie. Ces étudiants sont hautement affectés et les conséquences des coupures sont délétères pour eux. En effet, ou bien ils optent pour un programme d’études dans une autre discipline à l’Université Laurentienne ou bien ils doivent aller étudier ailleurs afin de poursuivre leurs études dans le programme auquel ils avaient été admis. Selon cette définition très restreinte et étroite de «étudiants affectés», 7% des étudiants inscrits dans un programme offert en anglais le sont, contre 11,3 % des étudiants inscrits dans un programme offert en français.
On remarquera au passage qu’une fois encore, les étudiants inscrits dans des programmes en français sont proportionnellement beaucoup plus lésés que leurs collègues inscrits dans des programmes en anglais.
Malheureusement pour M. Haché de même que pour sa définition plutôt commode de l’expression «être affecté par les coupures», beaucoup plus d’étudiants que cela subissent des préjudices importants en raison des coupures d’avril dernier. Étudier à l’Université Laurentienne est devenu passablement moins attrayant pour bon nombre d’étudiants dont les programmes n’ont pas été éliminés en raison de la diminution de même que de la dilution significative des parcours d’études qui leurs sont dorénavant accessibles. Au premier cycle et à la Faculté des arts en particulier, tous les étudiants, même ceux dont les programmes n’ont pas été éliminés, se retrouvent devant un choix ridiculement petit de deuxièmes majeures et de mineures, ces options grâce auxquelles les étudiants peuvent normalement explorer un second, voire un troisième domaine d’études. Ceci porte un coup très dur à la qualité des études de premier cycle en français à l’Université Laurentienne.
Encore à la Faculté des arts, où, parmi les 16 programmes qui y étaient offerts avant les coupes, il n’en reste que six, et avec un personnel enseignant régulier qui fut amputé de 73 % (19 professeurs), les étudiants inscrits dans les rares programmes en français qui y subsistent sont eux aussi fortement lésés.
À partir de septembre 2021, ils n’auront en effet accès qu’à un nombre beaucoup plus restreint de cours de cette faculté, et ce, dans un nombre limité de disciplines. Voilà qui leur cause un important préjudice, car ces étudiants ont besoin de suivre de grands nombres de cours dans des disciplines autres que celle dans laquelle ils se spécialisent ou font une majeure (les cours dits «au choix»). Il n’est pas rare, en effet, que pour satisfaire aux exigences d’un baccalauréat, des étudiants s’inscrivent à un nombre de cours au choix plus grand que celui des cours dans leur discipline de spécialisation. Or, avant les coupures, ces étudiants choisissaient les cours de ce type parmi ceux qu’offraient… les départements dont les programmes ont été éliminés en avril!
Il suffit de fréquenter les réseaux sociaux pour constater la frustration et l’insécurité que ce qui précède génère chez les étudiants concernés. On en entend plusieurs dire, par exemple, que tous les cours qu’ils auraient souhaité suivre à titre de cours au choix ont disparu. Il va sans dire que les dommages que ceci fait subir à la réputation de l’Université Laurentienne sont énormes.
Parle-t-on de nombres importants d’étudiants affectés de la sorte? Sur 1920 étudiants inscrits dans un programme en français à l’Université Laurentienne en 2020-2021, pas moins de 502 ont vu leur programme éliminé ou se retrouvent dans un des rares programmes en français de la Faculté des arts qui ont été épargnés, mais avec un accès tellement limité à des cours au choix en français qu’ils ne pourront faire autrement que de suivre un grand nombre de cours en anglais ou ailleurs qu’à l’Université Laurentienne — s’ils ne l’ont pas déjà quittée. Ainsi, 26 % des étudiants inscrits dans les programmes en français avant le 12 avril sont affectés de manière très importante, et néfaste, par les coupures. On est a des lieues des 10 % avancés par le recteur.
Et ceci est sans compter les étudiants de la Faculté d’éducation, qui ont besoin de prendre des cours dans les matières dites «enseignables» — par exemple, histoire, géographie, philosophie et combien d’autres encore —, mais qui ne seront plus… enseignées en français à l’Université Laurentienne ou, si elles le sont, de manière très réduite. Ils vont les prendre où, ces cours, s’ils veulent les suivre en français? Il est tout à fait possible qu’ils demandent la permission de les suivre à distance, dans d’autres établissements, aux frais de l’Université Laurentienne…
Sans oublier la perte d’opportunités pour les étudiants des autres facultés de suivre des cours en français dans une des maintes disciplines jetées aux poubelles en avril dernier.
Denis Hurtubise
Thierry Bissonnette
Gina Comeau