le Mardi 26 septembre 2023
le Jeudi 17 août 2023 11:15 Chroniques et blogues

Croire à nos risques et périls collectifs

Pierre Poilièvre lors de son passage à Sudbury à la fin juillet — Photo : Philippe Mathieu
Pierre Poilièvre lors de son passage à Sudbury à la fin juillet
Photo : Philippe Mathieu
Décryptage — Ne croyez jamais aveuglément ce que dit un politicien. Surtout les chefs de parti. Que ce soit Jagmeet Singh, Justin Trudeau, Doug Ford… Les phrases de leur discours ont un seul objectif : bien paraitre et faire mal paraitre leur adversaire. Dans ces circonstances, la vérité — toujours plus compliquée qu’on le croit — passe souvent inaperçue. L’entrevue accordée au Voyageur par le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilièvre, ne fait pas exception à cette règle.
Croire à nos risques et périls collectifs
00:00 00:00

En fait, il y a tellement de demies vérités, de déformation de la vérité et de mensonges dans ses réponses que nous sommes obligés de rectifier certains faits. L’entrevue en question a été publiée sur Lavoixdunord.ca le 28 juillet.

Environnement

Premièrement, il est faux de dire que la taxe pour le carbone «ne fait rien pour l’environnement». Le Fonds monétaire international soutient lui-même qu’il s’agit de «l’instrument le plus efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre», et ce, au cout le plus bas.

Le mystère qui perdure depuis des années, c’est qu’une taxe sur le carbone suit les principes du conservatisme fiscal. «Vous utilisez, vous payez» est plus près de l’idéologie économique conservatrice. Le refus de la droite de payer pour polluer est largement ancré dans le refus — de moins en moins répandu — de croire aux changements climatiques provoqués par l’activité humaine. Au Canada, cette taxe s’attaque aussi la production de pétrole des provinces de l’ouest, ce qui entraine des inquiétudes économiques plus légitimes. 

Les effets d’une telle taxe sur l’environnement ne sont certes pas immédiats. On l’a bien vu cet été. Elle suit tout de même un principe économique simple : plus ça coute cher, moins les gens vont l’acheter. Malheureusement, il est encore trop difficile de se débarrasser de sa voiture à essence ou d’utiliser des transports en commun, surtout dans les régions comme le Nord de l’Ontario.

Pour ce qui est d’une deuxième taxe qui ferait monter le total des taxes sur le carbone à 61 ¢, nous trouvons seulement ce chiffre dans des discours des membres du Parti conservateur du Canada. Ça ne veut pas dire que leur interprétation est totalement fausse, mais probablement très biaisée. En ce moment, en Ontario, la taxe fédérale sur le carbone est de 14,3 ¢ le litre.

Pour ce qui est de diminuer «les émissions» de carbone, M. Poilièvre vend du rêve. Les technologies de captage et de stockage du carbone sont loin d’être au point. Il est vrai qu’il faut continuer à investir dans la recherche, mais cette technologie ne fait pas encore partie de la solution. Dans l’éventualité qu’elles ne soient jamais assez efficaces pour en faire partie — après tout, elles ne retirent pas tout le carbone et coutent très cher — il faut aussi regarder ailleurs.

C’est peut-être un oubli, mais dans son énumération de sources d’électricité vertes, M. Poilièvre ne mentionne pas l’éolien et le solaire, souvent moins couteux que le nucléaire ou l’hydroélectricité, mais qui ont une production moins constante.

Médias

Affirmer que Justin Trudeau a causé la disparition des nouvelles sur Facebook est une déformation de la réalité. Ajouter qu’il a adopté des lois de censure est un mensonge. La Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada adopté par le gouvernement libéral est à l’origine de la disparition des nouvelles canadiennes sur Facebook — et peut-être plus tard de Google. Même si ce n’était pas l’objectif visé, cet effet était prévisible.

Mais la décision de «censurer» les médias canadiens revient entièrement à Meta, la maison mère de Facebook et Instagram. C’est une décision qu’ils ont prise seuls. Justin Trudeau n’a demandé à personne d’arrêter de publier des nouvelles. Aucune loi de censure de quoi que ce soit n’a pour l’instant été adoptée par le parlement fédéral. 

En fait, nous nous méfions davantage de l’interprétation du terme «liberté d’expression» que pourrait avoir M. Poilièvre. Le prétexte de la liberté d’expression est de plus en plus utilisé pour propager des propos haineux, des mensonges et des théories alternatives basées sur des émotions plus que des faits. 

Sans compter que la censure est seulement sur Facebook. Vous avez encore le choix de lire ce que vous voulez en accédant directement à des sites web.

Les propos de M. Poilièvre — et de n’importe quel politicien qui ment ou qui déforme la vérité — sont dangereux. Ils alimentent la division de la population canadienne en plus de réduire la possibilité de mener des discussions et des débats basés sur des faits. 

Un politicien, c’est une grosse éponge à attention. Ils veulent que vous les regardiez, que vous les écoutiez. Malheureusement, vous êtes plus intéressés de lire leur message sur X (Twitter) et Facebook et de regarder leur vidéo sur Instagram et Tik Tok s’ils disent quelque chose de controversé, de surprenant, d’aberrant…

Nous ne savons pas si M. Poilièvre est capable de faire mieux, mais nous sommes convaincus que vous en êtes capable.