Nous sommes mamans, professeures universitaires en éducation et, maintenant, gestionnaires d’agenda et «enseignantes» du préscolaire et du primaire à la maison depuis le début de la pandémie mondiale. L’une mère de deux enfants, une fille de 7 ans et un garçon de 5 ans; l’autre mère de trois enfants, une fille de 7 ans et des jumelles de 5 ans. L’une vit à Sudbury; l’autre vit à Montréal. Mais toutes les deux vivent la même réalité.
À la fin février 2020, juste avant la pandémie, tout était prêt : nous avions déjà finalisé la logistique des camps d’été et des vacances familiales. Notre liste de tâches à faire, rédiger des articles et une demande de subvention, était fin prête. Nous avions déjà organisé notre été pour avoir du temps pour nous consacrer à nos recherches communes. À la mi-mars, au début du confinement, nous avons cru — à tort — que la situation serait de courte durée. Mais la COVID-19 en a décidé autrement et a complètement changé nos plans…
Nous avons alors dû nous retrousser les manches et prendre des décisions qui auront un impact sur le reste de notre carrière universitaire : mettre l’accent sur le volet enseignement de notre tâche professorale, accepter les nombreuses rencontres virtuelles urgentes et laisser de côté le volet recherche. Megan Frederickson l’a mentionné dernièrement : «les femmes progressent moins, en moyenne, que les hommes dans leurs recherches pendant la pandémie». C’est notre cas. Mettre de côté le volet recherche de notre tâche était la seule décision possible. C’était une question de survie : nos conjoints n’ont pas notre flexibilité d’emploi.
Et maintenant que la fin de l’année scolaire — à distance — [est arrivée], un autre dilemme nous obnubile : comment allons-nous passer à travers les «fausses» vacances d’été? Qu’allons-nous faire avec les enfants? Comment allons-nous professionnellement jongler avec la situation? Les camps seront-ils ouverts? Si oui, est-ce imprudent d’y envoyer les enfants? Et la distanciation sociale, comment sera-t-elle respectée? Et quoi penser des camps virtuels proposés? Est-ce nécessaire de continuer à enseigner à nos enfants jusqu’en septembre?
En ce moment, il n’y a ni bonne ni mauvaise réponse. Nous sommes dans un flou artistique et nous essayons de jongler avec les données disponibles — les chercheures ne sont jamais loin! — pour essayer de prendre des décisions éclairées qui auront un impact sur notre famille, mais également sur notre carrière universitaire. Nous exposons bien humblement l’état de notre réflexion sur cette fameuse question des camps de vacances et, plus largement, sur ce que feront les enfants cet été.
Les camps d’été
Nos enfants n’iront pas en camps en présentiel cet été. Décisions difficiles à prendre, mais nous les garderons à la maison, entre autres car nous ne savons toujours pas si les enfants sont ou non des vecteurs de la Covid-19. La situation actuelle est trop instable et les données probantes sont pratiquement inexistantes. Nous serons plus stressées de les envoyer dans les camps d’été que de les garder à la maison. D’autant plus que certains de nos enfants ont de graves problèmes de santé.
Quant aux camps virtuels, nous hésitons : tout dépend de ce qui est proposé. Pour l’une des mamans, deux programmes d’été virtuels ont été offerts par le conseil scolaire : un premier sur les stratégies de lecture à raison de deux heures par jour; ce camp pourra consolider les apprentissages déjà acquis ou en cours d’apprentissage en lecture. Un deuxième propose des activités liées à l’art visuel, la relaxation, l’activité physique, la cuisine, la lecture et le bienêtre, les habiletés sociales et la pleine conscience. Ce second camp pourra développer, comme le dit Montaigne, une tête bien faite : les apprentissages seront variés, l’art sera présent — il est au cœur des préoccupations de l’une de nous —, les enfants seront actifs. Notre bémol : ces camps sont virtuels. Ils impliquent encore l’utilisation d’une tablette ou d’un ordinateur et, conséquemment, l’exposition des enfants à l’écran.
Continuer l’école à la maison pendant la période estivale?
Nous avons décidé de continuer un enseignement de façon assez régulière auprès de nos enfants pendant l’été. Il est important, selon l’OMS, de garder une routine saine et structurée avec les enfants en cette période incertaine. Cette structure est importante et nécessaire pour leur santé mentale. Il est également important de continuer de les stimuler intellectuellement en proposant des activités d’apprentissage. Enfin, comme la dernière partie de la présente année scolaire fut plutôt chaotique, nous trouvons essentiel de consolider les apprentissages et de mettre la table pour les suivants. Les chercheures et formatrices de futurs enseignants ne sont guère loin : l’apprentissage expérientiel, dans la foulée de Dewey, sera favorisé en entretenant le potager, par exemple, pendant l’été.
Maintenir un certain enseignement n’empêche en rien de nous donner une chance de respirer — et de travailler! — : laisser les enfants jouer, bien évidemment, et aussi mettre un film ou permettre des jeux sur la tablette… Ce lâcher-prise «technologique» est nécessaire. Et il faut arrêter de culpabiliser! Tout est une question de dosage et de contexte. C’est la même chose avec les jeux vidéos. Ceux-ci sont entrés dans notre maison au début de la pandémie… par souci de survie. À notre grande surprise, nous avons constaté que les jeux vidéos, joués ici entre fratrie ou en famille, peuvent favoriser la solidarité, la dextérité, la stratégie, en plus de nous mettre en forme! Les jeux vidéos peuvent donc être bénéfiques, surtout en période de confinement.
Garder le cap
Maintenant, nous espérons qu’il y ait une rentrée scolaire à l’automne 2020, sans deuxième vague de la COVID-19. Sinon, les mêmes décisions devront être prises à nouveau et les mêmes sacrifices devront être faits. Pour l’instant, nous y allons un jour à la fois, et nous essayons de faire ce qu’il y a de mieux pour notre famille et pour nous-mêmes.
Nous gardons le cap; nous gardons le château fort de la famille en essayant de favoriser un climat positif et sain tout en gardant notre propre santé mentale. Et la recherche… attendra.
Isabelle Carignan, professeure agrégée à l’Université TÉLUQ et professeure associée à l’Université Laurentienne
Marie-Christine Beaudry, professeure agrégée à l’Université du Québec à Montréal (UQAM)