le Dimanche 24 septembre 2023
le Jeudi 2 Décembre 2021 4:32 Courrier des lecteurs

Un plaidoyer franco-ontarien pour une vision trilatérale et démocratique de l’éducation postsecondaire dans le Nord de l’Ontario

  Photo : Archives
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Réponse à Un plaidoyer franco-ontarien pour la Laurentienne, par Isabelle Bourgeault-Tassé
Un plaidoyer franco-ontarien pour une vision trilatérale et démocratique de l’éducation postsecondaire dans le Nord de l’Ontario
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Salut Isabelle,

J’ai lu avec intérêt ta lettre publiée le 9 novembre dans Le Voyageur.

Tout ce dont tu lamentes de la Laurentian, je le lamente aussi. J’ai encore du mal à encaisser la perte des programmes de Théâtre, Études françaises, Histoire et j’en passe. Comme tu l’as si bien évoqué, ces programmes ont été nourris par nos «géants (et géantes) de la Franco-Ontarie» et ont marqué ma jeunesse comme ils ont marqué la tienne.

Mais je t’avoue que la perte du Département des Études autochtones a elle aussi été très douloureuse. La Laurentian va accuser un recul important dans ses engagements envers la Commission de vérité et réconciliation avec ça. Toutes les reconnaissances du territoire que fait dans le vide Robert Haché ne feront absolument rien pour réparer le dommage irréparable qu’il a causé.

La perte des programmes de Women’s, Gender and Sexuality Studies et de Labour Studies a aussi été douloureuse. Imagine. Maintenant plus que jamais, la perspective féministe, de la sexualité et de genre est nécessaire; maintenant plus que jamais, nous avons besoin d’une perspective sur les droits du travail. Et que dire de la perte des programmes de Musique, Sagefemme, Philosophie, Études environnementales? Vraiment? Alors que nous sommes en pleine crise climatique? Comment t’expliques-tu ça, Isabelle?

La rupture de la fédération a elle aussi été très douloureuse. L’ironie de la chose, c’est que, des quatre institutions, la seule en état d’insolvabilité était la Laurentian.

Le licenciement cruel et inhumain — en pleine pandémie — de plus de 200 employés de la Laurentian, sans compter les facultés, les chargés·es de cours et le personnel de soutien administratif des collèges fédérés, a lui aussi été très douloureux. Tout comme les vies bouleversées de tous·tes ces étudiants·es qui ont dû faire volteface devant leurs programmes qui, du jour au lendemain, n’existaient plus.

Tout comme l’a été le recours de Robert Haché et du Conseil des gouverneurs de la Laurentian à une des lois les plus antidémocratiques et draconiennes que je connaisse. Et ce, en pleine pandémie, rendant ainsi presque impossible toute expression de résistance et de dénonciation. 

Et ça, c’est la différence fondamentale entre ta lamentation et la mienne Isabelle. Toi tu refuses de nommer les responsables. Dans mon cas, c’est très clair.

Mais il y a autre chose que je lamente. Moi j’ai eu la chance de terminer mon baccalauréat en français, à la Laurentian, avec une dette étudiante minime. On s’entend, c’était durant les années 1980. Tel n’est plus le cas pour les étudiants d’aujourd’hui.

Tu vois, ma fille ainée a complété son programme de premier cycle à la Laurentian. Et elle a presque perdu sa Bourse d’excellence pour francophones, pas parce qu’elle avait du mal à conserver une moyenne de 80 % : au contraire, elle terminait chaque semestre avec une moyenne d’au moins 90 %. Non, chère Isabelle : elle risquait de perdre sa bourse parce qu’elle peinait à combler son minimum de 24 crédits de cours offerts en français. Le choix n’était pas là, tout simplement. Donc ta Laurentienne? Ça fait longtemps qu’elle n’existe plus.

Je lamente aussi le fait que les jeunes d’aujourd’hui termineront leurs études avec une dette étudiante considérable. Parce que notre société et la Laurentian ont opté pour un modèle néolibéral de l’éducation postsecondaire, où la piastre l’emporte sur la qualité et l’accessibilité de l’éducation. Où l’éducation postsecondaire publique est menacée. Où les trottoirs du campus sont sablés sur le dos des étudiants internationaux. 

Je lamente donc, pour mes filles, pour leur génération et pour les générations à venir, la hausse des frais de scolarité, la lourdeur de la dette étudiante et la privatisation de l’éducation postsecondaire. Je lamente aussi la précarité des emplois universitaires, la «McDonaldization of universities» sur le dos des chargés·es de cours et des conventions collectives.

Haché dit que la [Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies] LACC était la fin de la route. En effet, le recours à la LACC est un aveu de son échec total à lui et au Conseil des gouverneurs de la Laurentian.

Il est temps qu’Haché et le Conseil des gouverneurs démissionnent et qu’ils soient remplacés par un leadeurship qui luttera pour la protection d’une université anglophone vibrante; qui protègera les intérêts des étudiants et des employés; qui veillera à l’avenir d’une éducation postsecondaire publique et de qualité qui répondra aux besoins réels des anglophones et des communautés de la diversité anglophone du nord et qui sera accessible à tous. Qui reconnaitra les droits des Premiers peuples et des francophones à gérer leurs projets universitaires par, pour et avec.

Et toi, chère Isabelle, je t’invite à plaidoyer pour un modèle universitaire qui est accessible, démocratique et avec une vision trilatérale de l’éducation postsecondaire dans le Nord de l’Ontario.

Monique Beaudoin
Sudbury