le Dimanche 24 septembre 2023
le Mercredi 2 Décembre 2020 13:43 Éditorial

Les universités en voie de devenir des fabriques de travailleurs

Qu’adviendra-t-il des programmes en humanités et en sciences sociales dont les finissants ne semblent pas avoir une grande valeur aux yeux des conservateurs?
Les universités en voie de devenir des fabriques de travailleurs
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Le gouvernement ontarien vient d’annoncer qu’il financera maintenant les collèges et universités en fonction des notes, des emplois et des salaires de leurs finissants. Ce chambardement démontre encore une fois l’incompréhension et le manque de respect du gouvernement de Doug Ford pour l’éducation postsecondaire.

Remarquez qu’on pouvait s’y attendre de la part d’un gars qui n’a jamais terminé de cours au postsecondaire et qui, au secondaire, aurait peut-être vendu plus de dope qu’il a lu de livres, selon une enquête de 2013 du Globe and Mail.

Selon le communiqué de presse du gouvernement, le nouveau mode de financement va «révolutionner le milieu de l’enseignement postsecondaire» en forçant les institutions à offrir des programmes qui mènent à des emplois bien rémunérés. Ainsi, 60 % des sommes allouées aux collèges et universités dépendront désormais de critères d’emplois dictés par les conservateurs. Ça ne prend pas la tête à Papineau pour imaginer tous les problèmes créés par ces changements.

Les collèges qui offrent des programmes de métiers plutôt axés sur l’emploi s’en sortiront probablement assez bien. Mais les universités risquent de subir des torts irréparables. Prenons les petites universités du nord. Sauf dans les écoles professionnelles comme le génie, le droit ou la médecine, leurs diplômés qui obtiennent des emplois dans le Nord de l’Ontario sont généralement moins bien payés qu’à Toronto ou Waterloo, par exemple. Nos institutions régionales seront pénalisées au profit des grandes universités situées dans les riches milieux urbains, comme l’Université de Toronto, Queen’s ou Waterloo.

Ces nouvelles mesures imaginées par les conservateurs qui n’en ont que pour l’argent soulèvent plus sieurs questions. Qu’adviendra-t-il des programmes en humanités et en sciences sociales dont les finissants doivent souvent ramer quelques années avant de trouver du travail à plein temps, travail qui offre rarement un salaire élevé. Les universités vont-elles sabrer dans ces programmes? Et que dire de ces gens qui, par pur intérêt, retournent à l’université après leur retraite. Ils vont évidemment faire baisser les moyennes de salaires de ces universités puisqu’ils n’étudient pas afin d’obtenir un emploi. Leur nombre va-t-il être restreint?  

En fait, le plus grand tort causé par ce mode de financement est idéologique. L’université existe-t-elle pour élever l’esprit humain par la connaissance ou est-elle juste une manufacture qui fabrique des travailleurs pour le capital?

Les conservateurs ont choisi pour tout le monde.

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Si vous espérez encore recevoir l’Ordre du Canada, vous devriez déménager. La semaine dernière, le gouvernement fédéral publiait la liste des personnalités qui deviennent membres de l’Ordre cette année. En faisant une petite recherche biographique des nouveaux membres, il est clair que tous méritent cette distinction. Mais, sur 114 nominations, plus de 80 % proviennent de capitales canadiennes — Ottawa, Halifax, Toronto, Edmonton, Winnipeg, Victoria — ou de grandes villes comme Calgary, Montréal et Vancouver. Bien sûr, la démographie de ces villes explique en partie ces succès, mais ça n’empêche pas de penser qu’il y a des personnes méritantes ailleurs au pays et qu’elles passent inaperçues. Peut-être aurez-vous une chance l’an prochain.