le Vendredi 22 septembre 2023
le Mercredi 24 novembre 2021 16:36 Éditorial

Lettre à l’honorable Jill Dunlop

  Photo : Wikimedia Commons
Photo : Wikimedia Commons
Lettre à l’honorable Jill Dunlop
00:00 00:00

Madame Jill Dunlop,
ministre des Collèges et Universités,
438, avenue University, 5e étage,
Toronto (Ontario) M7A 2AS

Madame la ministre,

Lorsque j’ai commencé à penser à cette lettre, j’ai d’abord imaginé l’écrire comme une lettre au père Noël. Vous savez, cette lettre qu’on envoie au code postal H0H 0H0 avec notre liste de souhaits de cadeaux. J’étais pour n’en demander qu’un : un financement adéquat et immédiat pour l’Université de Sudbury. 

J’ai changé d’avis. Le financement public d’une université francophone dans le Nord de l’Ontario n’est pas un cadeau, c’est un droit. Alors, soyons sérieux.

Comme vous le savez, l’Université de Sudbury, comme les autres institutions anciennement fédérées de l’Université Laurentienne, a été affectée de façon indue par la débâcle financière de cette dernière. Comme vous le savez aussi, l’Université de Sudbury jouit d’une saine situation financière. 

Comme vous le savez, l’Université de Sudbury a fait le nécessaire pour rencontrer les exigences gouvernementales qui lui permettraient de poursuivre son œuvre éducatrice de plus de 100 ans auprès des francophones du Nord : déconfessionnalisation, nouveau plan académique, plan d’affaires, etc. 

Comme vous le savez, l’Université de Sudbury a l’appui inconditionnel de la communauté franco-ontarienne… et de plusieurs membres de votre caucus. 

Comme vous le savez surement, tout ce qui manque à l’Université de Sudbury pour rouvrir ses portes, c’est un financement public. C’est là qu’elle a besoin de vous.

Je sais très bien que vous ne voulez pas vous mêler de la situation de la Laurentienne tant qu’elle sera sous la protection judiciaire de la Loi sur les arrangements avec les créanciers (LAAC). Je sais que vous ne voulez pas forcer la Laurentienne à transférer ses programmes en français à l’Université de Sudbury comme certains groupes le demandent. En fait, là-dessus, je vous donne temporairement raison. 

Je sais aussi que le processus de la LAAC ne vous empêche pas d’intervenir auprès des anciennes institutions fédérées. Vous l’avez déjà fait en accordant le plein statut universitaire à l’Université de Hearst. J’applaudis d’ailleurs ce geste.

Je sais aussi que la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, répète inlassablement que votre gouvernement appuie le «par et pour» des institutions franco-ontariennes. Je sais aussi que ce sont des gouvernements conservateurs qui ont permis nos écoles secondaires de langue française et qui ont créé nos conseils scolaires.

Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi deux femmes de tête et d’honneur comme vous ne peuvent convaincre leurs collègues du Cabinet de financer une université qui existe déjà. Surtout en cette période préélectorale. C’est ce que nous attendons de vous.

En terminant, permettez-moi de vous raconter une petite histoire franco-ontarienne. En tant que députée de Simcoe, vous la comprendrez surement.

À la fin des années 1970, en pleine crise scolaire à Penetanguishene, un contingent d’élèves de l’École de la Résistance était venu à La Nuit sur l’étang, cette nuit culturelle mythique à Sudbury. Un jeune violoniste de 17 ans, élève à la Résistance, est alors monté sur scène et a présenté une composition qu’il avait intitulée Le Reel de Bette. Bette Stephenson était alors la ministre de l’Éducation de l’Ontario qui refusait de forcer le Conseil scolaire de Simcoe d’ouvrir une école secondaire de langue française à Penetang. 

Je n’ai jamais ressenti autant de désespoir, de colère et de hargne dans une pièce musicale. Si jamais il est composé, espérons que le Reel de Jill sera plutôt une célébration.

Je vous remercie de votre attention et vous prie de croire à mes meilleurs sentiments,

Réjean Grenier