Madame, Monsieur,
C’est avec consternation que j’ai lu l’éditorial intitulé The Liberals are turning the Official Languages Act into the Bill 101 of Canada que vous avez publié le samedi 26 mars 2022. Je trouve particulièrement incroyable qu’un journal qui se dit le «journal national» publie un tel texte qui divise les Canadiens sur un sujet qui nous unit depuis 1969.
Dans cet éditorial, votre journal s’en prend à deux aspects du projet de loi C-13, une modernisation de la Loi sur les langues officielles adoptée en 1969 et qui n’a été que partiellement modifiée en 1986. Vous semblez consternés par le fait que la nouvelle loi permettra aux agences et sociétés fédérales de se plier aux exigences de la loi québécoise qui mandate l’utilisation du français en milieu de travail. Vous poursuivez en affirmant qu’Ottawa fera désormais la promotion du bilinguisme partout sauf au Québec.
Foutaise, dis-je. Votre éditorial démontre un manque évident de recherche ou, pire, un appui sans partage au privilège dont jouit l’anglais au Canada.
Sur votre premier point au sujet des agences fédérales au Québec, je dois dire que j’ai tout d’abord partagé votre incompréhension face à ce qui pourrait apparaitre comme une application asymétrique du concept de bilinguisme. Mais une simple vérification des statistiques sur la langue de travail au Canada m’a rapidement fait comprendre la nécessité de cette différence.
De 2006 à 2016, l’utilisation du français en milieu de travail au Québec a reculé de 2,3 %. Pendant ce temps, dans le reste du Canada, 98,6 % des travailleurs affirmaient parler anglais sur leur lieu de travail. En fait, je vous demande quelles sont les chances qu’un travailleur unilingue francophone trouve un emploi dans le reste du Canada comparé à une unilingue anglophone au Québec? Maintenant, dites-moi quelle langue a besoin d’être protégée en milieu de travail?
Cette dernière question m’amène à votre affirmation selon laquelle la loi C-13 permettra au gouvernement fédéral de ne promouvoir le bilinguisme que dans le reste du Canada. Sur ce point, je vous donne partiellement raison, sauf pour le «que», qui implique que le bilinguisme ne sera pas promu au Québec. Mais il y a une raison évidente pour promouvoir le bilinguisme hors Québec. Encore une fois, une simple vérification des statistiques vous aurait permis de comprendre.
Les statistiques de 2016 sur la langue nous apprennent que 45 % des Québécois sont bilingues alors que seulement 9,8 % des Canadiens hors Québec le sont. Si ces chiffres ne vous éclairent pas sur les régions où le Canada a besoin de promouvoir le bilinguisme, je ne sais pas ce qui pourrait vous faire comprendre.
Je vous demande donc de faire vos devoirs de recherche avant de publier des éditoriaux basés sur des opinions sans fondement empirique.