De récents évènements démontrent qu’aujourd’hui, écrire est devenu de plus en plus dangereux. La plus grande preuve est évidemment l’attaque perpétrée la semaine dernière contre l’auteur Salman Rushdie. Il a été sauvagement poignardé alors qu’il s’apprêtait à livrer une conférence à un institut new-yorkais. Rapidement hospitalisé, il se remet présentement de sérieuses blessures. On se souvient que l’Ayatollah Khomeini avait lancé une fatwa — soit une condamnation à mort — contre l’auteur après la parution de son livre Les versets sataniques en 1988. Il recommençait juste depuis quelques années à apparaitre en public après avoir vécu sous un faux nom, protégé par les services policiers britanniques.
Ce drame est évidemment le plus grand danger de l’écriture. Malheureusement, ce n’est pas un acte isolé. Chaque année, des dizaines de journalistes sont emprisonnés ou tués pour avoir bravé l’ire de criminels ou de dirigeants corrompus. On pense ici à Vladimir Poutine, mais il n’est pas le seul. Depuis 1990, 2658 journalistes ont été tués dans 10 pays, notamment en Irak, au Mexique et aux Philippines. Et il n’y a pas que dans ces pays éloignés qu’on tue pour bâillonner l’opinion, pensez aux 12 victimes du massacre de Charlie Hebdo.
Au Canada, on ne tue pas les journalistes — ouf! — mais, depuis quelques années, la température augmente dangereusement. L’anonymat de l’internet encourage de plus en plus de détraqués à s’en prendre aux personnalités médiatiques. Surtout aux journalistes racisés et aux femmes.
Plusieurs d’entre elles ont d’ailleurs commencé à rétorquer en rendant publics certains des messages haineux qu’elles reçoivent. Des textes d’une vulgarité et d’une violence inouïe. Nous ne les republierons pas.
C’est à se demander comment une personne peut même penser de telles choses. Pire, il faut vraiment abriter une haine sans borne pour vouloir l’écrire et l’envoyer. Pourtant, cette haine est de plus en plus présente dans le discours politicosocial. Et elle est de plus en plus sanctionnée par certains dirigeants.
Quiconque a vu les vidéos des rallyes de l’ex-président américain Donald Trump, dans lesquels il incite ses adeptes à se débarrasser de manifestants, comprend comment certaines personnes haineuses peuvent traverser la ligne rouge de la décence.
Quiconque a entendu sans arrêt les klaxons des camions qui ont pris d’assaut le centre-ville d’Ottawa conçoit ce qu’est la violence gratuite et mal placée.
Quiconque écoute les discours de certains politiciens qui s’évertuent à faire croire au peuple canadien que nos institutions veulent les contrôler sait comment le mensonge peut créer la haine.
Si des types peuvent aujourd’hui proférer des menaces vitrioliques sans crainte de représailles, c’est qu’ils y sont encouragés par certains dirigeants.